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Tableaux en attente d'écrits UERA

jeudi 28 novembre 2013

Paysages



Cieux jaunes, cieux roses, cieux oranges, par l’épaisseur de la lumière exacerbée, l’automne donnera cette approche charnelle que poudroie déjà l’hiver de ses tons mordorés tout grisés de neige. Il y aura ce chêne déteint de son vert par le regard qui s’éteint, il restera aussi le pesant des fantômes mécaniques et celui des regards cernés par l’aube, quand les femmes se reposent des vies louvoyant entre leurs draps froissés.



Par Valérie Simon, à l'occasion de "Parlons livres", à Mornant, en octobre 2013.

Texte inspiré par les peintures de Jean Couty :
L’ile Barbe, vue de Lyon
La Saône aux glaçons, vue de Lyon
Le camion grue, les chantiers
Les filles de joie, scène de genre

samedi 23 novembre 2013

Sur les pas de Louis Mandrin - 3


Suite et fin de l'histoire de Louis Mandrin, bandit bien-aimé.

Dans cette auberge de son fidèle ami Gauthier, Mandrin prépare avec Bélissard et Dauphiné (autre chef de contrebandiers) une puissante sixième expédition de 2 000 hommes prévue pour mai 1755. Mais c’est dans cet asile sûr que le rejoint Marsin, un espion qui va fournir aux armées royales des renseignements de première main. Marsin fut l’espion qui approcha du plus près Mandrin bien que Gauthier l’ait très tôt suspecté sans convaincre son chef, mais il  n’est qu’un des multiples infiltrés par les Fermiers Généraux au sein des contrebandiers. Mandrin feint alors d’être diminué et, début mai, va « se mettre au vert » à Rochefort-en-Novalaise.

Les Fermiers Généraux décident donc de pénétrer illégalement en Savoie, alors dans le duché de Piémont-Sardaigne, et c’est dans la ferme du château de ce village que, la nuit du 10 au 11 mai 1755, 500 hommes déguisés en paysans arrêtent Mandrin et ses amis, grâce à la trahison de deux des siens. Ils pillèrent au passage le château du Premier Président du Parlement du Dauphiné. La Morlière, Fischer et Diturbide jugèrent prudent d’évacuer sur une charrette Mandrin et Saint Pierre pieds et poings liés vers Valence où ils arrivent le 13 au matin musique en tête, mais encadrés de dragons. « Belle Humeur » justifie son surnom, fumant sa pipe et interpellant joyeusement la foule.

Le juge de Valence, Gaspard Levret de Malaval, dévoué aux Fermiers Généraux, traite convenablement Mandrin qui demeure calme et plein d’assurance et dont il reconnaît « qu’il lui en impose » tandis que des anonymes couvrent la prisonnier de cadeaux (viandes et gâteaux ou boissons alcoolisées). Néanmoins, comme le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III exige depuis Turin auprès de Versailles la restitution du prisonnier capturé sur son territoire, pressé par le Contrôleur général des Finances, menacé d’une invasion des troupes de contrebandiers massées sur la frontière par Belissard « Le Pays » parlant de tout mettre à feu et à sang pour délivrer son chef à Valence, il accélère l’instruction. La peine de mort est prononcée le 24 mai, Mandrin, qui a subi le supplice des brodequins sans parler, est roué vif puis étranglé sans un cri devant 6 000, voire 12 000 curieux venus parfois du fin fond du Vivarais, mais surveillés par les soldats en armes du régiment de Tallern, le 26 place des Clercs. La capture de Louis en terre savoyarde entraîna de très vifs échanges entre le gouvernement  de Louis XV à Versailles et celui du roi de Sardaigne à Turin : ce dernier obtint l’extradition … quatre jours après l’exécution à Valence ! Fidèle à son pays, il aurait partagé avec le père Gasparini venu l’assister « un verre de cette délicieuse liqueur que l’on fabrique à La Côte-Saint-André et pour laquelle je garderai, même dans l’au-delà, une prédilection » ; fidèle à son engagement, il aurait demandé que l’on poursuive sa lutte contre le fisc. 

Moins de deux ans après l’exécution de son frère Louis, Claude Mandrin à la tête d’un fort contingent de contrebandiers vint depuis la Savoie faire une démonstration militaire au Pont-de-Beauvoisin, insultant sur le pont-frontière les autorités françaises et menaçant de mettre la bourgade à sac ! Le royaume de Piémont-Sardaigne obtint la suppression des têtes de pont françaises sur la rive gauche du Rhône en 1760. En 2002, le nom du « héros » local est donné à une bière grenobloise aux noix ! Sa légende a inspiré dès sa mort (mais à qui ?) une complainte comportant neuf strophes sur l’air d’un opéra de Jean-Philippe Rameau, Hippolyte et Arcie composé en 1733, mais elle est truffée d’inexactitudes (vêtements blancs, contrebande non évoquée, place du Marché à Grenoble et non place des Clercs à Valence où il fut roué et pendu après sa mort aux fourches patibulaires !) car il existe tout un cycle de Mandrin comme d’ailleurs de Lesdiguières. Son nom même est devenu commun pour désigner les contrebandiers sous le terme de « mandrins » et il fut une manière de symbole dans la lutte contre l’Ancien Régime en particulier lors de la Commune de Paris. Le cinéma lui aussi a mainte fois mis en scène ce « bandit bien-aimé » sans être toujours fidèle à l’Histoire.

Par Pierre Coeur.

Pour en savoir plus :
Mandrin, le capitaine général des contrebandiers de France, éditions Hachette, Paris, 1908, par Frantz Funck-Brentano 
L’aventureuse existence du Capitaine Mandrin, collection « Provinces »,  éditions Concorde, 1944, par Prosper GIEN 
Contrebandiers et gabelous, éditions France-Empire 1999, par André BESSON 
Mandrin Louis (1724 – 1755), Thesaurus III de l’Encyclopedia Universalis France S.A., 2008, par Louis TRENARD 
Mémento de l’Histoire du Dauphiné, éditions des Traboules, 69530 Brignais, 2012, par Pierre CŒUR 
Wikipédia, Louis MANDRIN

vendredi 22 novembre 2013

Sur les pas de Louis Mandrin - 2


Suite de l'histoire de Louis Mandrin, bandit bien-aimé.

En 1754, il organise cinq campagnes de contrebande. Le 17 juin de cette année-là, l’intendant du Dauphiné écrit : « L’audace des contrebandiers se porte aux derniers excès. Non contents d’introduire à mains armées dans le royaume des marchandises prohibées, ils intimident les employés, ils entreprennent d’enlever aux collecteurs les deniers des recettes ». Le 21 juin, ils exposent leurs marchandises sur le marché de Millau, alors que des guetteurs préviennent toute mauvaise surprise. A Rodez, ils obligent même les employés des fermiers généraux à acheter leurs produits sous la menace de leurs armes. La campagne d’août, la troisième, atteint Brioude, Craponne et Montbrison où Mandrin oblige le maître-geôlier à libérer huit coupables de faux saunage, contrebande, complicité ou désertion mais non treize auteurs de vols et deux auteurs de meurtres. Le 3 octobre, à la tête de plus de 300 hommes, Mandrin franchit le Rhône-frontière au Pont de Grézin en direction du col de la Faucille, passe par  Nantua, Châtillon-sur-Chalaronne et Thoisey, puis Charlieu en Forez et Roanne et enfin le Puy, terme de cette quatrième expédition,  continuant à laisser de la marchandise prohibée contre espèces sonnantes mais en délivrant des reçus dûment signés … à la grande joie du peuple, des petits bourgeois mais aussi des grands seigneurs. Si les choses se passent un peu mal chez Dupin entrepreneur des tabacs au Puy, Mandrin ayant un bras cassé par un coup de feu, l’escale chez Pierre Baillard du Pinet receveur entreposeur du grenier à sel et représentant de la gabelle à Montbrison se termine mieux puisque Madame du Pinet prend soin du capitaine contrebandier et fait quérir manu militari (ou contrebandari ?) un médecin pour lui qui pare le bras avec des « palettes » ; Mandrin remerciera en offrant un rouleau de soie des Indes.

Afin d’achever la guérison de sa fracture et la fermeture de ses plaies, Mandrin gagne Rochefort-en-Novalaise, près du Pont-de-Beauvoisin, chez de Piolenc le fils du premier président du Parlement du Dauphiné, de Thoury, qui avait été obligé de signer la condamnation à mort de Louis Mandrin mais était resté courtois avec lui au point de lui proposer un refuge en Savoie. Il est plus exactement reçu chez le fermier du château, Maître Perrety, dont l’épouse Jeanne Marguerite est la maîtresse de Louis. Tout près de là, à Pont-de-Beauvoisin, Saint Pierre le Cadet, Amboise et Bélissard préparent une cinquième expédition. Cette expédition ayant passé la frontière enneigée durant la nuit du 14 au 15 décembre 1754 dans le Jura, arrive vite près de Pontarlier, puis près de Besançon où elle défie les cavaliers d’Harcourt, puis à Beaune en Bourgogne. Là, l’accueil initial est un peu froid mais Mandrin  un verre de bourgogne à la main, retourne si bien la situation que les Beaunois retardent Fischer et ses cavaliers francs-comtois qui poursuivent les contrebandiers. Néanmoins, Fischer rejoint ces derniers venant de quitter Autun, près du village de Gunan. Mandrin organise alors la retraite du gros de ses troupes laissant une vingtaine des plus braves contrer chasseurs et dragons de Fischer ; tous moururent, souvent dans l’incendie d’une grange transformée en citadelle, sauf cinq qui furent arrêtés, mais ils avaient causé de lourdes pertes aux adversaires. Les « mandrins » mettent bientôt plus de quinze lieues entre eux et leurs poursuivants, souvent mis sur de fausses pistes par les habitants ou trompés peut-être par les traces dans la neige de chevaux ferrés à l’envers ; on en retrouve près de Lapalisse et à La Sauvetat au-delà d’Arlanc et La Chaise-Dieu. Attendus dans ce village par les régiments d’argoulets commandés par le capitaine Diturbide et arrivés de Lyon, ils doivent se disperser et Mandrin, Ambroise et Jean Saint Pierre le Cadet, blessés plus ou moins gravement, se retrouvent dans une ferme du Haut-Vivarais où le père Ambroise qui avait fait de Mandrin un grand contrebandier est enterré par ses amis. Les deux autres, proclamés morts par les officiers du roi qui avaient retrouvé à Gunan le chapeau à chamarrures dorées de Mandrin criblé de balles, regagnent l’Auberge du Lion d’Argent à Carouges au bord du Léman.

A suivre.
Par Pierre Coeur.

jeudi 21 novembre 2013

Sur les pas de Louis Mandrin - 1

Louis Mandrin, le bandit bien-aimé.




Louis Mandrin fait partie de la culture dauphinoise au même titre que Bayard quoique dans un autre registre, dans une province qu’illustre fort bien ce titre de Stendhal, « le Rouge et le Noir » ! Comme vous, il s’est beaucoup promené en Rhône-Alpes et aussi au-delà. Il est né le 11 février 1725 à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, dans la plaine de Bièvre de ce Bas-Dauphiné, région que l’on qualifie de Terres Froides et à 17 ans, va devoir subvenir aux besoins d’une famille qui comporte ses trois frères et ses quatre sœurs sans oublier « la miche de pain que Maman Marguerite dissimule sous son tablier » ! Délaissant un peu le commerce de la boutique, Louis se lance vers l’élevage et court de foire en foires. On lui donne au village le surnom de Belle Humeur. 

Avec deux associés, il s’engage à livrer 97 (« cent moins trois ») mules ou mulets bâtés et harnachés, pour le transport du ravitaillement de l’armée de Provence du maréchal de Belle Isle. Hélas pour Mandrin, dix des bêtes rassemblées meurent en tombant dans des ravins de montagne puis, les préliminaires de la paix d’Aix-la-Chapelle  du 18 octobre 1748 mettant fin à la Guerre de Succession d’Autriche conduisent le maréchal à licencier une partie de ses troupes. Mandrin, de Draguignan doit regagner le Dauphiné mais, parti avec 80 mulets, du fait de la nécessité de vendre nombre de bêtes, il arrive chez lui avec 16 ou 17 animaux squelettiques dont neuf reviendront à ses associés. 

La famine s’abat alors sur la maison familiale car il a engagé dans cette affaire les ressources du commerce et aussi car les fermiers généraux ne lui règlent pas son dû.  Pour faire vivre les siens, Louis se livre donc dès 1750  à une contrebande « banale » comme la frontière piémonto-savoyarde (et au-delà, la Suisse alémanique  via Genève) était proche et franchissable par les Grottes des Echelles ouvrant, et sur le bas Guiers Vif en France,  et sur le  col de Couz en Savoie ; il se cachait aussi, dit-on, dans les Grottes de La Balme ! 

En juillet 1753, au creux des Serves, une rixe se termine mal avec deux morts.  Louis Mandrin qui s’est enfui voit sa tête mise à prix et son nom inscrit sur le pilori de son village. De plus, les frères de Louis – Claude et Pierre – surpris à piller le tronc de l’église de Saint-Etienne sont condamnés aux galères pour le premier qui s’est enfui et à être pendu place du Breuil à Grenoble (aujourd’hui place Grenette) pour le second qui persistait à « fabriquer des fausses pièces à l’effigie du Roi », son exécution survenant le lendemain de celle de leur ami Brissaud, pris au creux de Serves, soit le 21 juillet 1753. 

C’en est trop, Louis Mandrin, poussé par le père Ambroise vieil ami de son père défunt, accepte de rejoindre le 25 au Pont-de-Beauvoisin Bélissard dit « Le Pays ». Ce dernier à la tête de ses troupes de contrebandiers, une dizaine d’hommes, veut attaquer la maison des Fermes Générales du village-frontière afin de délivrer des « gâpians » Gabriel Legat dit le Frisé arrêté par eux quelques semaines plus tôt. L’affaire manque tourner bien mal pour les contrebandiers et Bélissard, couché en joue par un employé de la ferme, ne doit la vie sauve qu’au réflexe de Mandrin. Le Guiers repassé au gué Popet, devant ses troupes regroupées en terre savoyarde, Bélissard nomme alors Louis Mandrin capitaine de ses troupes, restant lui son lieutenant.

Durant six mois, le jeune capitaine de 28 ans organise la troupe destinée à la guerre contre les fermiers généraux dont les procédés effrayent Louis XV lui-même et leurs séides, les « gâpians ». Grossissant les effectifs, entraînant les hommes qui sont surtout des Savoyards, assurant sécurité et intendance, il ne néglige pas l’aspect commercial de l’affaire. Il achète en particulier du tabac et des indiennes (toiles imprimées avec des tampons de bois introduites en Europe en 1648 par des marchands arméniens au temps des Compagnies des Indes orientales) en Suisse pour les revendre en France car, de 1686 à 1759, ces tissus étaient prohibés mais fort recherchés (y compris par la Pompadour pour ses appartements).

A suivre.  
 Par Pierre Coeur.


jeudi 14 novembre 2013

Sur les pas d'un poète parti au front



Guillaume APOLLINAIRE 
A ma chère Lou 

Adieu Lou
Ma louve
Je pars au front
Il pleut sur mon cœur d’océan
Un terrible ouragan
De tristesse arrache
L’oasis de nos vies !

Loin de toi déjà
Il neige sur mon cœur de glace
A mon retour triomphant
J’espère encore entendre le chant
De tes trente printemps !

Adieu Lou

Ma louve
Je pars au front
A l’aube des ténèbres
Je m’en vais sur l’arche solitaire
Destination
Porte de l’Enfer
Où l’Homme se prend
Pour le maître
Pour dieu !

Ma chère Lou
Je t’écrirai en vers
A chaque lever du soleil
Sur papier simple
À l’encre rouge
De mon cœur de braise !

Adieu Lou
Ma louve
Sèche ta rivière de larme
Malgré ton absence éphémère
Mon cœur mon âme
Baigneront toujours
Dans ta lumière
À la lueur de nos retrouvailles
Parfum d’amour immortel ! 

Par Gregory Creston.