La
sourate soixante et onze du Coran nous dit "Dieu a établi pour vous la
terre comme un tapis afin que vous suiviez des voies spacieuses"... Les
tapis volants ou accueillant lascivement les corps alanguis des amants
sont une constante dans les récits orientaux d'Omar Khayyam aux "Mille
et une nuits"... mais ce que nous savons moins dans nos cultures
occidentales c'est que dans les grands tapis d'Iran, d'Afghanistan,
d'Ouzbékistan ou Turkménistan, l'art du tissage est une chose, la
recherche des motifs une autre encore mais c'est que des vies sont
écrites ou transcrites dans les savantes arabesques et les couleurs
assemblées. En des cultures où la représentation des êtres vivants est
proscrite et où toute absence de figuration divine est originellement
ordonnée, les dessins géométriques ne doivent plus rien au hasard, pas
plus que les choix des supports de ces tapis magnificients, des laines
et soies conjuguées et des techniques usitées... tout est langage
contenu, tout est science partagée, tout est recherche constante, bref
tout est art, aussi bien aux confins des mondes arabes qu'aux portes de
la muraille de Chine. Alors, pourquoi ne pas nous promener en lecteur
attentif dans cette somme savante, mais nullement prétentieuse,
généreuse à souhait d'un authentique humaniste qu'est cet élégant
ouvrage "Les tableaux d'Orient" signé Alain Cohen, éminent spécialiste
des tapis d'Orient, installé en La Cité des Antiquaires à
Villeurbanne-Lyon boulevard Stalingrad. Cet ouvrage de 190 pages,
préfacé par le Président de l'Académie du Var, Jacques Kériguy, est
bougrement plus dépaysant qu'un catalogue d'agence de voyages et la
rêverie qui accompagne forcément sa lecture comme les remarquables
photographies de Yann Merran est un voyage inspiré et inspirant du
meilleur aloi.
Jacques Bruyas