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Tableaux en attente d'écrits UERA

vendredi 27 septembre 2013

Dans l'obscurité des murs - 2

Retrouvons Thélisse et Ethan perdus dans une ville étrange...

[...] 
Et pendant que sa mère s’endormait, tandis qu’il observait les murs qui lui gâchaient l’horizon, il eut l’impression que plus aucune rue ne débouchait ici. Comme s’ils étaient arrivés de nulle part...

Ça bourdonnait ; un peu plus loin d’où ça venait, ça vrombissait...
Thélisse et Ethan se retrouvaient encerclés de pierres, cernés par des remparts qui paraissaient tous se rejoindre...
Encor, ça ronflait ; dans l’atmosphère un son montait en puissance, ça grondait ...
… avant de s’évader dans les méandres d’autres chemins incertains.

Quand un nouveau vacarme se fit entendre, le jeune homme sursauta et détourna la tête pour découvrir qu’un des murs venait de s’effondrer sur lui-même. Une fumée étouffante accompagnée de relents putrides se souleva dans l’air et vint souffler son haleine jusqu’à lui, avant de s’échapper le long des murailles...

Alors étrangement, Ethan vit quelque chose dans le décor, au loin... Une silhouette qui ressemblait à une petite fille, et qui avait l’air d’être au pied du mur.

Sans déranger sa mère toujours en train de dormir, il partit rejoindre l’enfant, tranquillement, pour ne pas l’apeurer. Depuis le temps qu’ils cherchaient quelqu’un, ils avaient trop besoin d’elle pour les mener aux grandes personnes.
Il arriva près de la petite, et la vit mieux ; cheveux gris-bleus, cheveux sales, de grands yeux vides ou comme égarés sur son visage, les haillons presque en cendres ou en tout cas c’est ce qu’on pouvait penser, un gant de tissus grossiers qui ne ressemblait à rien sur sa main, les pieds nus…

Elle raclait le mur à l'aide de divers matériaux, elle grattait, elle ponçait, elle mouillait.
Elle ne regardait pas Ethan, comme s’il n’était pas là.
Elle lavait le mur !
Quel drôle de jeu pour une petite fille ! Elle n'avait que 9 ou 10 ans. 

- Bonjour, comment tu t’appelles ?
Pas de réponse.
- Bonjour, je suis Ethan, comment tu t’appelles ?
Toujours pas de réponse.

Elle lavait le mur et ne semblait pas remarquer ce jeune homme blond, tellement plus grand qu’elle, qui lui aurait caché le soleil s’il y en avait eu et qui lui souriait pour l’amadouer. Il la dévisageait pendant qu’elle l’ignorait, et c’est au moment où il se dit qu’elle ne le voyait ni ne l’entendait sûrement pas qu’il voulut s’appuyer contre le mur…
- Attention ! ATTENTION ! cria Léla.
- Tu parles ! Tu me vois, tu entends et tu parles ! Puis il stoppa net.
Il inspecta le mur à l’endroit où il avait commencé d’apposer sa main. Un bruit de succion s’était fait entendre et pendant une seconde il lui avait semblé sentir sa main happée à l’intérieur, comme ventousée…
- Mais qu’est ce que c’est ? s’interrogea-t-il à voix haute.
- C’est l’érosion des murs… murmura Léla.
- QUOI ?
- Ils chuchotent, ils chuintent, ils geignent et se plaignent. Continua la fillette.
- LES MURS ?
- Ils vivent, ils dérivent, ils vieillissent et pourrissent.

Ethan scruta tout autour de lui… l’obscurité des murs ne lui semblait plus sombre… mais vert-de-gris. Tout se putréfiait, à vue d’œil si on faisait attention, et Léla perdait quelques morceaux de ses oripeaux quand elle bougea pour poser ses yeux sur lui… enfin.
Il lorgna sa main, celle qui avait effleuré le mur…
- Mais….
- Non, non, tu ne l’as pas laissée assez longtemps.
- Tu sais comment nous faire sortir ?
- Oui
- S’il te plaît, montre-moi… 
Il alla réveiller sa mère. En découvrant la petite fille, Thélisse avait bien essayé de poser des questions mais son fils les avait éludées, affirmant que c’était le seul moyen de quitter cet endroit. Il la pressait, il la poussait, il lui avait INTERDIT de toucher aux murs et lui tenait même les mains pour en être sûr. Elle ne comprenait rien mais engouffrée dans la course elle obéissait pour pouvoir partir.

Léla passait sous des porches. Elle empruntait des ruelles qui paraissaient surgir juste quand elle se présentait devant elles. Elle semblait ne pas douter, comme si elle savait où elle allait… pourtant si petite…

Ils arrivèrent devant une rue qui s'était installée là, toute seule, entre quelques brins d’herbes.
Thélisse qui regarda alors la fillette découvrit un énorme bleu sur son front…
- Oohh tu t’es cognée… dit-elle en approchant ses doigts.
Et comme Léla recula, seuls ses cheveux s’envolèrent en poussière…
- Tu ne viens pas ? demanda Ethan en poussant sa mère sur le début du macadam.
- Non, répondit Léla
- D’autres ?
- Non, plus que moi...

Puis :
- S'il existe une rue, une ville quelque part que je ne connais pas, où les murs ne respireraient pas, nous volant notre air... vas-y toi, lui dit Léla.

Par Clémentine Lafon.

jeudi 26 septembre 2013

Dans l'obscurité des murs - 1

Une ville quelque part...

Depuis qu’ils étaient arrivés dans cette ville et tandis que sa mère cherchait leur route, Ethan, les yeux écarquillés tentait d’apercevoir, à vue de nez, un peu de vie.
Il lui sembla entendre doucement des voix dans ce coin-ci, il tourna la tête, mais pas un chat.
Les rues, vides, étaient étroites... 

- Il faut qu’on sorte de là ! Vraiment, je ne savais pas comment faire pour contourner ce quartier, mais maintenant qu’on y est entré, je ne sais pas comment faire pour en sortir ! Et j’en ai marre ! Il faut qu’on arrive à traverser !
Thélisse avait l’air perdu et comme pour se donner un peu de courage, elle saisit la main de son adolescent de fils avant de repartir d’un bon pas. Ethan sentit, à la moiteur de ses mains, l’inquiétude qui la gagnait à tourner, sinon en rond, du moins dans ces sphères inconnues.
Il n’y avait pas de lignes droites et personne ne déambulait dans ces rues…

Pas de volets autour des fenêtres, personne derrière les vitres, rien à quoi se raccrocher à part cette odeur viciée, qui vous prenait à la gorge en entrant dans le périmètre, et à présent lancinante, leur faisait battre les narines, imprégnait leurs muqueuses, avant de leur donner la nausée.
- Il faut que l’on trouve quelqu’un pour se renseigner, fit Thélisse. N’importe qui pourvu qu’il nous montre la sortie. On dirait que j’ai de plus en plus de mal à respirer…
- Mais, maman, il n’y a personne ici !
- Quitte à devoir aller frapper à leurs portes... JE VEUX QUE QUELQU’UN ME DISE COMMENT SORTIR D’ICI, TU COMPRENDS ? gémit-elle sans se rendre compte qu’elle hurlait réellement.

Une longue plainte les interrompit, et c'est alors sans hâte, car prudemment, qu'ils se dirigèrent vers ce bruit qui les rapprochait le plus d’une quelconque humanité. Incertains, ils se disaient qu'aucun vent ne pouvait mugir pareillement...
Arrivés entre les deux bâtiments d’où semblait provenir le grondement, scrutant les encoignures et jusque dans l’obscurité des murs, ils guettaient mais ne voyaient rien… rien de rassurant.

Quand, dans un grand fracas, et tandis qu'ils le longeaient, un des murs se pencha... Dans un réflexe, ils courbèrent le dos, fléchirent les genoux pour se faire tout petit craignant qu'il ne leur tombe dessus, puis tout s’arrêta. Et le mur bien qu'affaissé, resta suspendu dans les airs au-dessus de leurs crânes.
Partir, vite, plus vite qu’ils n’étaient venus, se mettre à courir…

Haletante, Thélisse s’arrêta enfin, ils se retrouvèrent au milieu de trois arbres sans ombre sombre ; quand les ténèbres suintaient des murs...
Ailleurs, cet endroit assez calme aurait pu être une place, mais pas dans cette cité où les murs étaient si proches les uns des autres, si oppressants.
Ethan pourtant moins fatigué qu’elle, prétexta vouloir se poser là un instant ce qui leur permettrait de se reposer. Elle accueillit l’idée avec un soupir de soulagement ; errer dans ces rues lui avait pris toute son énergie et elle se sentit soudain très faible. Ethan enleva sa veste, la mit en boule au pied d’un des trois arbres pour lui en faire un coussin.

A suivre (demain).
Par Clémentine Lafon.

jeudi 19 septembre 2013

Sur les pas d'un artiste...



Modigliani 

Ou suis-je ?
Ailleurs dans le temps
Prés de Paris
Capitale créatrice
Art africain
Style mondain
Prés des gens
Qui me contemplent !

Qui suis-je ?
Ailleurs dans l’espace
Un portrait visible
Une âme sensible
Pour l’artiste…

Où suis-je ?
Ailleurs dans une autre vie

Ma  famille
Eugénie Garsin ?
Jeanne Hébuterne ?
Suis-je un art vivant…

Moi
Toi
Nous
Ils

Picasso m’a connu
Je l’ai reconnu

Je suis « un ange au visage grave »
Mon bonheur est mon malheur !

Ma peinture
Autoportrait
Amis
Proches

Ma vie de chien
A Triomphé du bien
Grâce à l’Amour
De ma femme !

Ailleurs anachronique sur le fil de ma vie
Ma gloire hier fut misérable
Aujourd’hui magnifique
Atout subliminal !

Me voila célèbre
À tout jamais. 

Par Gregory Creston.
Extrait de Parfum d’Amour, ILV édition, nov. 2012.
Recueil de poésie, version papier (10€) ou numérique (5€).
 http://www.ilv-edition.com/images/librairie/couvertures/parfum-amour.jpg

jeudi 12 septembre 2013

Dans la forêt de Saoû

Le chemin monte très lentement, nous laissant le temps d’admirer le ballet des papillons autour d’un roncier. Petits et nombreux, ils semblent à l’abri, dans ce lieu solitaire, loin des pesticides qui sont les pléonasmes de nos agricultures prétendument développées. Respirons la paix momentanée.
Entre les hautes herbes, j’aperçois un lis martagon rose pâle, discret, sans doute désireux de ne pas trop se faire voir, sait-on jamais. Secrète splendeur offerte aux yeux qui prennent le temps de la découvrir. Plus loin, sous les ailantes, un ensemble de géraniums sauvages a colonisé le bord du chemin, sans façon, éclairant de ses fleurs mauve-bleu les broussailles envahissantes.
Peu à peu le chemin devient sentier et pénètre dans un espace magique de taillis enchevêtrés, chênes, hêtres ou aulnes, et l’on aborde un autre monde.
Des fougères scolopendres s’accrochent amoureusement sur les roches noires veloutées de mousse presque invisible.
Silence, entrelacs végétaux nous escortent et le chemin devient pierreux, âpre comme une route initiatique entre les griffes moussues qui pourraient bien annoncer l’approche du royaume des sorcières ou des fées, allez savoir…
Entre voiles diaprés et fils de la Vierge, les rayons du soleil s’accrochent, et luttent avec cet étrange crépuscule de pénombre et de verdure qui voudrait nous garder dans ses lueurs ténébreuses. Le fil tendu de l’araignée brille entre les branches, les troncs veloutés, les ramures filiformes, et lance ses transparences au travers de mondes infranchissables.
Les troncs d’arbres recouverts de mousse tendre ressemblent à d’étranges pattes velues, armée d’obscurs êtres vivants, immobilisés, frappés par un indiscernable maléfice végétal.
La lumière, à travers les poussières, les pollens, les rosées et les brumes, est devenue irréelle, douce et filtrée, et nos pas sur les mousses ne font aucun bruit.
Forêt magique, d’esprits obscurs ou luxuriants, en pur silence végétal.
Un Enchanteur n’a-t-il pas effacé les bruits, endormi tous les oiseaux ?
Quels sortilèges affleurent sous les gouttes de rosée ?
Sentier d’énigmes douces, au velours d’émeraude
Plus loin, dans un chaos de pierres insistantes, le chemin s’élève encore sous les arbres, et un frisson d’inquiétude ou de doute peut saisir les âmes tendres.
Si l’on a grande envie de revoir les certitudes lumineuses, il faut faire demi tour, ou bien monter encore longtemps pour parvenir enfin sur les grandes prairies en pente qui sont la gloire du marcheur. Atteindre les vastes prairies sommitales des Trois Becs, les herbes vertes du Pré-de-l’Ane, ivres de lassitude, de béatitude, de vertige et d’asphodèles, quelle satisfaction ! Qui n’est donnée qu’aux opiniâtres et aux muscles entraînés.
Dans les secrets de la forêt tranquille, entre les chênes se faufile un chevreuil timide
aux yeux tendres, qui veut croire à la paix des arbres, avant l’automne menaçant. Là
haut, quelquefois, sur la route des nuages, plane un aigle sans bruit, dont le regard de flamme cherche une vie pour nourrir son brasier intime.
Dans l’herbe des pelouses, le printemps allume ses fleurs et toute la forêt chante son chant d’oiseaux victorieux. L’hiver s’est endormi sous les futaies et sur les prés, chaque insecte peut croire à son destin. Peut-être.
Forêt nourricière, la forêt de Sâou fut longtemps habitée par des paysans, des bergers et même des exploitants de mines.
Il est aisé d’imaginer que ce site fermé fut également un refuge, pour les proscrits, les protestants, les insurgés puis les maquisards, victimes séculaires de mille conflits inutiles.
Refuge maternel dans ce ventre allongé, velouté de forêt et protégé des dangers extérieurs. Rêve de refuge d’où il faut sortir un jour.
La paix des arbres pourrait-elle inspirer les hommes ?

Par Elyane Rejony.