[...]
Et pendant que sa mère
s’endormait, tandis qu’il observait les murs qui lui gâchaient l’horizon, il
eut l’impression que plus aucune rue ne débouchait ici. Comme s’ils étaient
arrivés de nulle part...
Ça bourdonnait ; un peu plus loin
d’où ça venait, ça vrombissait...
Thélisse
et Ethan se retrouvaient encerclés de pierres, cernés par des remparts
qui paraissaient tous se rejoindre...
Encor, ça ronflait ; dans l’atmosphère un son montait en puissance, ça
grondait ...
… avant de s’évader dans les
méandres d’autres chemins incertains.
Quand un nouveau vacarme se fit
entendre, le jeune homme sursauta et détourna la tête pour découvrir qu’un
des murs venait de s’effondrer sur lui-même. Une fumée étouffante accompagnée de relents putrides se souleva dans l’air et vint
souffler son haleine jusqu’à lui, avant de s’échapper le long des murailles...
Alors étrangement, Ethan vit
quelque chose dans le décor, au loin... Une silhouette qui ressemblait à
une petite fille, et qui avait l’air d’être au
pied du mur.
Sans déranger sa mère toujours en
train de dormir, il partit rejoindre l’enfant, tranquillement, pour ne pas
l’apeurer. Depuis le temps qu’ils cherchaient quelqu’un, ils avaient trop
besoin d’elle pour les mener aux grandes personnes.
Il arriva près de la petite, et
la vit mieux ; cheveux gris-bleus, cheveux sales, de grands yeux vides ou comme
égarés sur son visage, les haillons presque en cendres ou en tout cas c’est ce
qu’on pouvait penser, un gant de tissus grossiers qui ne ressemblait à rien sur sa main, les pieds nus…
Elle raclait le mur à l'aide de
divers matériaux, elle grattait, elle ponçait, elle mouillait.
Elle ne regardait pas Ethan,
comme s’il n’était pas là.
Elle lavait le mur !
Quel drôle de jeu pour une petite
fille ! Elle n'avait que 9 ou 10 ans.
- Bonjour, comment tu t’appelles
?
Pas de réponse.
- Bonjour, je suis Ethan, comment
tu t’appelles ?
Toujours pas de réponse.
Elle lavait le mur et ne semblait
pas remarquer ce jeune homme blond, tellement plus grand qu’elle, qui lui
aurait caché le soleil s’il y en avait eu et qui lui souriait pour l’amadouer.
Il la dévisageait pendant qu’elle l’ignorait, et c’est au moment où il se dit
qu’elle ne le voyait ni ne l’entendait sûrement pas qu’il voulut s’appuyer
contre le mur…
- Attention ! ATTENTION ! cria
Léla.
- Tu parles ! Tu me vois, tu
entends et tu parles ! Puis il stoppa net.
Il inspecta le mur à l’endroit où
il avait commencé d’apposer sa main. Un bruit de succion s’était fait entendre
et pendant une seconde il lui avait semblé sentir sa main happée à l’intérieur,
comme ventousée…
- Mais qu’est ce que c’est ? s’interrogea-t-il à voix haute.
- C’est l’érosion des murs…
murmura Léla.
- QUOI ?
- Ils chuchotent, ils chuintent,
ils geignent et se plaignent. Continua la fillette.
- LES MURS ?
- Ils vivent, ils dérivent, ils
vieillissent et pourrissent.
Ethan scruta tout autour de lui…
l’obscurité des murs ne lui semblait plus sombre… mais vert-de-gris. Tout se
putréfiait, à vue d’œil si on faisait attention, et Léla perdait quelques
morceaux de ses oripeaux quand elle bougea pour poser ses yeux sur lui… enfin.
Il lorgna sa main, celle qui
avait effleuré le mur…
- Mais….
- Non, non, tu ne l’as pas
laissée assez longtemps.
- Tu sais comment nous faire
sortir ?
- Oui
- S’il te plaît, montre-moi…
Il alla réveiller sa mère. En
découvrant la petite fille, Thélisse avait
bien essayé de poser des questions mais son fils les avait éludées, affirmant
que c’était le seul moyen de quitter cet endroit. Il la pressait, il la
poussait, il lui avait INTERDIT de toucher aux murs et lui tenait même les
mains pour en être sûr. Elle ne comprenait rien mais engouffrée dans la course
elle obéissait pour pouvoir partir.
Léla passait sous des porches.
Elle empruntait des ruelles qui paraissaient surgir juste quand elle se
présentait devant elles. Elle semblait ne pas douter, comme si elle savait où
elle allait… pourtant si petite…
Ils arrivèrent devant une rue qui
s'était installée là, toute seule, entre quelques brins d’herbes.
Thélisse qui regarda alors la
fillette découvrit un énorme bleu sur son front…
- Oohh tu t’es cognée… dit-elle
en approchant ses doigts.
Et comme Léla recula, seuls ses cheveux s’envolèrent en poussière…
- Tu ne viens pas ? demanda Ethan
en poussant sa mère sur le début du macadam.
- Non, répondit Léla
- D’autres ?
- Non, plus que moi...
Puis :
- S'il existe une rue, une ville
quelque part que je ne connais pas, où les murs ne respireraient pas, nous
volant notre air... vas-y toi, lui dit Léla.
Par Clémentine Lafon.
cette séquence me rappelle un film de Cocteau vu il y a très longtemps. Je me souviens que dans des couloirs, les lampes étaient tenues à bout de bras par des bustes d'hommes, mais quand on passait devant eux, ils vous suivaient du regard en tournant la tête. Après on entrait dans la mort et c'était semblable à cette ville que tu décris, étouffant, sombre, on avait peur...
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