Taxi-brousse
Désirant
rentrer du Nord-Bénin, je comptais prendre l’avion à Ouagadougou le lendemain
soir. Une ambulance de l’hôpital où j’avais un peu travaillé m’amena à la frontière
du Burkina afin que j’y prenne le car « régulier ».
Ce
jour-là, hélas, il ne l’était point ! La seule solution fut de fréter un
taxi-brousse. Le conducteur de ce véhicule assez archaïque à 8 ou 10 places
assises me fit donc payer - pas très cher – le prix du diesel aller et retour
entre la frontière et Fada où un car parfaitement régulier lui, pourrait me
conduire - et me conduisit bien plus tard - à Ouagadougou.
Bien
que fort dépourvu de sens commercial, je compris vite comment notre
autoentrepreneur gagnait sa vie. Il se faisait de la gratte en ramassant du monde dans
les villages qu’il ameutait à coups de klaxon. Du monde, c’est à dire bien sûr
les villageois qui accouraient soucieux d’aller au village ou à la ville voisins,
mais avec ce qu’ils allaient y vendre : nous avions donc une poule à
l’intérieur du véhicule picorant les restes d’arachides d’un précédent passager
et six ou huit poulets sur le toit, la tête pendant devant les fenêtres et le
bec dégobillant à tout va, c’est-à-dire à chaque cahot sur une piste en
médiocre état, à l’extérieur ou à l’intérieur ; fort heureusement, j’étais
à l’avant du véhicule.
Ce dernier se remplissait un peu en accordéon en
fonction de la longueur du trajet emprunté par les uns ou les autres, mais ils
furent par moment une petite quinzaine. Si la chaleur était au rendez-vous, de
l’ordre de 50° C à travers une savane pas du tout arborée, l’ambiance était de
plus chauffée par l’appareil à cassette ; ne m’accusez point d’avoir omis
le « s » à cassette car il n’y en avait qu’une vantant de manière
dithyrambique le sommet franco-africain de l’année précédente avec Jacques
Chirac et Blaise Compaoré (« avec lui, on est à l’aise »
disait le texte) alors chef de l’état burkinien ; le chauffeur, qui menait
un train d’enfer, était plus soucieux de renfoncer la cassette arrivée à son
terme que de surveiller la route. Nous avons fait 120 kilomètres en
trois heures malgré ce train d’enfer car, dans chaque village, on stoppait
longuement pour casser une croûte ou sans doute satisfaire à d’autres besoins
que la nature commande (le même organe chez l’homme a plusieurs fins, ou faims
si vous préférez !).
Par Pierre Coeur.
Extrait de Curiosités d'Afrique subsaharienne, Alter éditions (e-book).
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