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vendredi 31 janvier 2014

Grands chantiers de Lyon au XVIIIe siècle - 2

Travaux de voirie, prolongement de la Presqu'Ile et pont Morand. 

Le Consulat s’endette beaucoup pour soutenir l’entreprise Perrache. Michel-Antoine Perrache, sculpteur de son état mais promoteur avisé,  présente en effet en 1766  un projet visant à incorporer l’île Mogniat à l’extrémité de la presqu’île dont les lônes, bancs de graviers et terrains marécageux fort difficiles à assécher, avaient été acquis par le Consulat dès 1735 de même que les jardins de l’abbaye d’Ainay en 1738.  Mogniat était le propriétaire d’une île jadis nommée Conflans aliénée à la fin du XVIè siècle par l’abbaye d’Ainay, propriétaire de toutes les terres du confluent.  Perrache voulait aménager le confluent qui se situait alors au pied de la basilique d’Ainay et le rejeter à La Mulatière (du nom d’un Mulat, homme de loi vivant là, ou du dépôt de mulets servant aux mariniers près du confluent avec la  Saône ?). François-Régis Cottin nous apprend que : « Michel Perrache eut le mérite de présenter un projet cohérent, répondant aux ambitions de l’administration royale et du Consulat qui n’était pas à même de les réaliser. Parmi celles-ci : l’achèvement d’un axe nord-sud avec la chaussée du Languedoc et le pont de La Mulatière, la régularisation du cours des fleuves et de leur jonction, l’organisation rationnelle de la meunerie, considérée comme un service prioritaire, et, enfin un accroissement de la ville dans des limites précises, garantissant sa défense et son intégrité fiscale ». Mais Perrache qui se voyait déjà « seigneur de l’île Mogniat »  mourra dans les soucis financiers en 1779 sans avoir achevé les travaux. L’échec technique de la meunerie fut à l’origine du désastre financier. Cet  aménagement trace deux chemins, de halage sur la rive droite et de contre halage sur la rive gauche, franchissant les Etroits de Sainte-Foy-lès-Lyon. (Les mariniers de ce halage fluvial entre La Mulatière et Saint-Jean, réglementé par une première ordonnance de Colbert, évaluaient la force du courant - avant l’apparition du cheval-vapeur - par l’expression « une eau à deux, quatre ou parfois dix chevaux » ce qui souligne ses variations.) Boisson de Chazournes met alors en place, sans autorisation, un pont de bois sur la Saône pour acheminer depuis le vallon de Choulans les matériaux destinés à remblayer la Presqu’île et ce pont, à l’emplacement du pont Kitchener-Marchand actuel, était même disposé en pente d’ouest en est ; il sera emporté par la crue de 1840. A La Mulatière, un peu en amont du pont actuel, en 1776, on édifie avec le soutien de Louis XVI, un peu vite, un pont achevé par la sœur de Perrache trois ans après la mort de celui-ci, en 1782, le « Pont de Belle-Vue » qui s’écroulera le 15 Janvier 1783 lors d’une crue ; mais dès 1789, J.F. Lallier, ingénieur de la Généralité de Lyon, construit pour la compagnie Perrache un nouveau pont de bois plus robuste à onze travées et 250 mètres de long qui souffrira beaucoup du siège de Lyon ; Napoléon le rachètera en 1809, l’Etat percevant le péage. Napoléon avait projeté en 1805 l’édification d’un palais impérial, précédant en quelque sorte Raymond Barre et le projet « Confluence » en cours de réalisation aujourd’hui ! Cependant, en 1803, la Société de Lyon, relayée par l’abbé Charrier prévôt et curé d’Ainay, accusait le chantier, les « marais Perrache », d’être responsable des épidémies de fièvre car les marécages de l’ancien lit du Rhône n’étaient pas tout à fait comblés. Le XIXè siècle prendra le relais.

Par contre, le Consulat s’oppose totalement aux travaux de Morand, financés par des capitaux privés avec l’aval de Louis XV par des lettres patentes de 1771 lui donnant le monopole des traversées de la porte Saint-Clair au pont alors unique de La Guillotière, c'est-à-dire le lancement d’un second pont sur le Rhône, à péage de moitié inférieur à celui du bac, malgré les réticences des Hospices de Lyon propriétaires des saulaies et marécages des Brotteaux et du privilège de passage d’eau sur un bac très rentable en cet endroit car il conduisait les promeneurs à leur Grande Allée sur le tracé de l’actuel cours Franklin-Roosevelt ! Ce pont avait des piles très rapprochées et il bloqua l’arrivée des radeaux (dont les trains atteignaient plusieurs centaines de mètres de long) amenant bois et pierre au chantier Perrache rival (volontairement ???).  Pris par les glaces en 1789, puis sous le feu des boulets de Dubois-Crancé tirant de La Ferrandière ou de la ferme de la Tête d’Or, ce pont en bois résistera aussi aux barques incendiaires bloquées par des chaînes de fer en amont et en aval de lui lors du siège. Morand a été guillotiné en 1794 Place des Terreaux... ou pour certains sur le pont - pratique pour évacuer directement têtes et corps séparément - car accusé d’avoir enlevé le platelage de deux arches du pont afin de favoriser la fuite vers l’ouest des insurgés. L’urbanisation du « quartier » Morand suivra lentement sous l’égide de la compagnie Morand devenue compagnie des Ponts du Rhône et les projets pour la rive gauche du Rhône, oubliés pendant la Révolution, seront repris en bonne part après elle. 

Les ingénieurs du roi « au département de Lyon des ponts et chaussées » sous la direction de Trudaine, les Deville père et fils, Lallié et Varagne, plus peut-être que les lyonnais Perrache, Morand ou Soufflot, que l’Histoire locale a retenus, se sont attaqué au problème de la traversée de Lyon. On  aménagea les deux routes vers Paris par la Bourgogne ou le Bourbonnais grâce aux routes en pente bien plus douce de Balmont et de Montriboud en place des pentes raides de la gorge de Balmont et de celles de Saint-Barthélemy ou du Chemin-Neuf  tracé quand était au pouvoir le baron des Adrets à fin policière ; la jonction de ces deux routes place Valmy actuelle fut reliée au port Mouton par la Grande-Rue-de-Vaise. Les quais du Rhône de Saint-Clair à La Mulatière furent dégagés en moins de 40 ans en partie grâce au financement de la Charité ou de l’Hôtel-Dieu pour le quai de Retz complétant le côté grandiose de la façade de Soufflot ; au nord, Rater assure la jonction de ces quais vers le château de La Pape et la nouvelle route de Bresse ; au sud, un raccord précaire est établi vers le pont d’Oullins sur l’Yzeron et au-delà, Les Sept Chemins. 

Par contre, les projets restent dans les cartons des voies vers l’est - place du Pont (Gabriel Péri), cours De Brosses (Gambetta), pont du Midi (Gallieni), avenue du Midi (Berthelot) – coupées par le cours Bourbon (Liberté) ou l’avenue de Saxe.

A suivre.
Par Pierre Coeur. 

jeudi 30 janvier 2014

Grands chantiers de Lyon au XVIIIe siècle - 1

Panorama de la ville 
 
Rappelons le panorama de la ville du Moyen-Age qui n’avait guère changé alors et que François Régis Cottin décrit fort bien comme l’aspect de Lyon à la fin du Grand Siècle : « Le coteau de Fourvière est un vignoble dénudé que tranchent à mi pente les soutènements romains encore visibles à Saint-Georges, à la Madeleine, à l’Antiquaille. Le paysage lyonnais présente alors l’aspect rural mais profondément humanisé des côtes du Rhône tel qu’il apparaissait il y a peu de Valence à Condrieu… Au nord, vers Saint-Paul comme au sud vers Saint-Jean, les maisons bâties au plus près et le pied dans l’eau contiennent la rivière où n’aboutissent que d’étroites ruelles baptisées « ports ». Ce front sans rivage, presque continu, avait sa réplique sur l’autre bord, de Saint-Antoine à La Feuillée, et rendait impossible la traction animale par le halage dans la traversée de la ville. L’absence d’un chemin de halage est à l’origine de la future corporation des « Modères » qui assuraient  par la seule force humaine la remonte des bateaux dans la traversée de Lyon… Comme Fourvière, Saint-Sébastien est un coteau pelé désert et couvert de vignes où se remarquent aussi quelques vestiges de la civilisation romaine. Le plus important est l’amphithéâtre des Trois-Gaules dont la masse domine encore ». 

Au début du XVIIIè siècle, si cet amphithéâtre - que l’empereur Auguste en personne honora dans l’été le 1er août de -10 en présidant l’assemblée des notables (druides ?) des 60 nations gauloises - a quasi disparu peu à peu, « la ville commence à la porte de Bourgneuf. Le Bourgneuf pris entre le rocher et la rivière n’est qu’une rue que bordent sur trois cent mètres deux files de maisons pratiquement ininterrompues. Tout ce qui de Flandre ou de France gagnait par terre l’Italie et par-delà l’Orient, les armées et cortèges des rois, des croisades à la Révolution ont défilé par cet étroit boyau dont la largeur en quelques points n’atteignait pas cinq mètres » avant de franchir la Saône par le pont de pierre, la Presqu’île par l’oblique rue Mercière et le Rhône par le pont unique gagnant la Guillotière dans la province du Dauphiné. On ne put certes à cette époque s’attaquer à ce front de Saône continu et il faudra le pouvoir du régime proconsulaire installé après le siège de Lyon par la Convention pour démolir plus de cent maisons entre Pierre-Scize et le Change en jetant les déblais à la rivière… pour faciliter le passage de l’Armée des Alpes. Le nom même de Bourgneuf disparut quand Lyon devint pour un temps « Ville affranchie » ! 

On accédait à la ville par d’étroits boyaux dans les faubourgs, véritables « quartiers bains-de-pieds » comme le dit Petrus Sambardier, avec des maisons servant de digue dont les caves donnaient sur le fleuve ou la rivière tandis que les rez-de-chaussée ouvraient sur le faubourg, ainsi au faubourg de Pierre-Scize entre Vaise et Lyon ou au faubourg de Bresse à Saint-Clair. Des coches d’eau assuraient le trafic Lyon-Saint-Jean - Vaise - l’Ile-Barbe.

A suivre.
Par Pierre Coeur