Travaux de voirie, prolongement de la Presqu'Ile et pont Morand.
Le Consulat s’endette beaucoup pour soutenir l’entreprise
Perrache. Michel-Antoine Perrache, sculpteur de son état mais promoteur
avisé, présente en effet en 1766 un projet visant à incorporer l’île Mogniat à
l’extrémité de la presqu’île dont les lônes, bancs de graviers et terrains
marécageux fort difficiles à assécher, avaient été acquis par le Consulat dès
1735 de même que les jardins de l’abbaye d’Ainay en 1738. Mogniat était le propriétaire d’une île jadis
nommée Conflans aliénée à la fin du XVIè
siècle par l’abbaye d’Ainay, propriétaire de toutes les terres du confluent. Perrache voulait aménager le confluent qui se situait alors au pied de la basilique
d’Ainay et le rejeter à La Mulatière (du nom d’un Mulat, homme de loi vivant là, ou du dépôt de mulets servant aux mariniers près du
confluent avec la Saône ?).
François-Régis Cottin nous apprend que : « Michel Perrache eut le mérite
de présenter un projet cohérent, répondant aux ambitions de l’administration
royale et du Consulat qui n’était pas à même de les réaliser. Parmi
celles-ci : l’achèvement d’un axe
nord-sud avec la chaussée du Languedoc et le pont de La Mulatière, la
régularisation du cours des fleuves
et de leur jonction, l’organisation rationnelle de la meunerie, considérée comme un service prioritaire, et, enfin un accroissement de la ville dans des limites
précises, garantissant sa défense et son intégrité fiscale ». Mais Perrache qui se voyait
déjà « seigneur de l’île Mogniat » mourra dans les soucis financiers en 1779
sans avoir achevé les travaux. L’échec technique de la meunerie fut à l’origine
du désastre financier. Cet aménagement
trace deux chemins, de halage sur la rive droite et de contre halage sur la rive gauche,
franchissant les Etroits de Sainte-Foy-lès-Lyon. (Les mariniers de ce halage
fluvial entre La Mulatière et Saint-Jean, réglementé par une première
ordonnance de Colbert, évaluaient la force du courant - avant l’apparition du
cheval-vapeur - par l’expression « une
eau à deux, quatre ou parfois dix chevaux » ce qui souligne ses
variations.) Boisson de Chazournes met alors en place, sans autorisation, un pont
de bois sur la Saône pour acheminer depuis le vallon de Choulans les
matériaux destinés à remblayer la Presqu’île et ce pont, à l’emplacement du
pont Kitchener-Marchand actuel, était même disposé en pente d’ouest en
est ; il sera emporté par la crue de 1840. A La Mulatière, un peu
en amont du pont actuel, en 1776, on édifie avec le soutien de Louis XVI, un
peu vite, un pont achevé par la sœur de Perrache trois ans après la mort de
celui-ci, en 1782, le « Pont de Belle-Vue » qui s’écroulera le 15
Janvier 1783 lors d’une crue ; mais dès 1789, J.F. Lallier, ingénieur
de la Généralité de Lyon, construit pour la compagnie Perrache un nouveau pont
de bois plus robuste à onze travées et 250 mètres de long qui souffrira
beaucoup du siège de Lyon ; Napoléon le rachètera en 1809, l’Etat
percevant le péage. Napoléon avait projeté en 1805 l’édification d’un palais
impérial, précédant en quelque sorte Raymond Barre et le projet « Confluence » en cours de
réalisation aujourd’hui ! Cependant, en 1803, la Société de Lyon, relayée
par l’abbé Charrier prévôt et curé d’Ainay, accusait le chantier, les « marais Perrache », d’être
responsable des épidémies de fièvre car les marécages de l’ancien lit du Rhône
n’étaient pas tout à fait comblés. Le XIXè siècle prendra le relais.
Par contre, le Consulat
s’oppose totalement aux travaux de Morand, financés par des capitaux
privés avec l’aval de Louis XV par des lettres patentes de 1771 lui donnant le
monopole des traversées de la porte Saint-Clair au pont alors unique de La
Guillotière, c'est-à-dire le lancement d’un second pont sur le Rhône, à
péage de moitié inférieur à celui du bac, malgré les réticences des
Hospices de Lyon propriétaires des saulaies et marécages des Brotteaux et du
privilège de passage d’eau sur un bac très rentable en cet endroit car il
conduisait les promeneurs à leur Grande Allée sur le tracé de l’actuel cours
Franklin-Roosevelt ! Ce pont avait des piles très rapprochées et il bloqua
l’arrivée des radeaux (dont les trains atteignaient plusieurs centaines de
mètres de long) amenant bois et pierre au chantier Perrache rival
(volontairement ???). Pris par les
glaces en 1789, puis sous le feu des boulets de Dubois-Crancé tirant de La
Ferrandière ou de la ferme de la Tête d’Or, ce pont en bois résistera aussi aux
barques incendiaires bloquées par des chaînes de fer en amont et en aval de lui
lors du siège. Morand a été guillotiné en 1794 Place des Terreaux... ou pour
certains sur le pont - pratique pour évacuer directement têtes et corps séparément
- car accusé d’avoir enlevé le platelage
de deux arches du pont afin de favoriser la fuite vers l’ouest des insurgés.
L’urbanisation du « quartier » Morand suivra lentement sous l’égide
de la compagnie Morand devenue compagnie des Ponts du Rhône et les projets pour
la rive gauche du Rhône, oubliés pendant
la Révolution, seront repris en bonne part après elle.
Les
ingénieurs du roi « au département
de Lyon des ponts et chaussées » sous la direction de Trudaine, les
Deville père et fils, Lallié et Varagne, plus peut-être que les lyonnais
Perrache, Morand ou Soufflot, que l’Histoire locale a retenus, se sont attaqué
au problème de la traversée de Lyon. On aménagea les deux routes vers Paris par la
Bourgogne ou le Bourbonnais grâce aux routes en pente bien plus douce de
Balmont et de Montriboud en place des pentes raides de la gorge de Balmont et
de celles de Saint-Barthélemy ou du Chemin-Neuf tracé quand était au
pouvoir le baron des Adrets à fin policière ; la jonction de ces deux routes
place Valmy actuelle fut reliée au port Mouton par la Grande-Rue-de-Vaise. Les
quais du Rhône de Saint-Clair à La Mulatière furent dégagés en moins de 40 ans en partie grâce au financement de la
Charité ou de l’Hôtel-Dieu pour le quai de Retz complétant le côté grandiose de
la façade de Soufflot ; au nord, Rater assure la jonction de ces quais
vers le château de La Pape et la nouvelle route de Bresse ; au sud, un
raccord précaire est établi vers le pont d’Oullins sur l’Yzeron et au-delà, Les
Sept Chemins.
Par contre, les projets restent dans les cartons
des voies vers l’est - place du Pont (Gabriel Péri), cours De Brosses
(Gambetta), pont du Midi (Gallieni), avenue du Midi (Berthelot) – coupées par
le cours Bourbon (Liberté) ou l’avenue de Saxe.
A suivre.
Par Pierre Coeur.
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