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Tableaux en attente d'écrits UERA

jeudi 31 octobre 2013

Paysage d'Ardèche

Chaine des Boutières

Après deux jours d'averses capricieuses
puis de brouillard et de crachin frileux,
les nuages s'élèvent lentement,
caressent en passant la tête des volcans
de leurs volutes duveteuses ;
la montagne s'assoupit dans leur édredon
dispensateur des couleurs de la nuit.
Un clocher tinte, puis répète
l'heure du retour au bercail
des longs troupeaux qui vont à la traite du soir.
Sucs* pointus ou cratères éboulés
où fleurit l'épilobe en lieu de lave,
hautains gardiens du territoire,
tout le long du couchant dessinent les remparts
qui retiennent la foudre.
Ici règne la paix
au prix du travail dur et patient,
volonté de basalte,
tendresse secrète et pudique
vécue avec intense joie de vivre
dans la lumière des hauteurs.

* suc : nom de nombreuses montagnes en langue régionale du Vivarais.
Par Elyane Gastaud.
Texte inédit, écrit le 4 septembre 2011

jeudi 24 octobre 2013

Le Reporter

Et si nous prenions le train ?

[...] Elle est là, déchaussée, chatte lascive, rappelant par toute son attitude le souvenir du parfum qu'elle a laissé en entrant. Lovée au creux des deux fauteuils dont elle a fait une banquette en relevant leurs bras. A moitié étendue. Exposée. Corsage entrouvert jusqu'au second bouton. Le soyeux de ses bas suggérant le velours de sa peau. Ses longs cheveux jetés sur une épaule, yeux baissés, elle feuillette un magazine, négligemment. Comme si elle était seule, chez elle, dans son salon. En face de ces trois hommes qui font avec elle le voyage. Dont le premier, le plus près de la fenêtre, a choisi d'observer le paysage. Le second, celui du milieu, de se plonger dans un livre, jetant un œil sur elle chaque fois qu'il tourne les pages. Le Reporter, quant à lui, faisant des efforts désespérés pour détacher les yeux de la belle inconnue.
Il rentre d'un long voyage. D'un reportage au cours duquel, alors qu'il pensait simplement se renseigner sur les circuits qu'emprunte l'argent que procure le trafic de drogue, pour la première fois de sa vie il a cru sa dernière heure venue quand il s'est aperçu qu'il s'était immiscé sans le savoir dans une sombre affaire de corruption, d'ententes illicites et de services secrets. Surpris en flagrant délit d'intelligence. Ne devant la vie qu'à son instinct qui, au moment où les choses allaient mal tourner, a su lui faire jouer l'innocence du jeune homme naïf qui ne s'est même pas aperçu qu'il venait de mettre le pied dans un domaine interdit.
Cela fait trois semaines qu'il ne s'est approché d'une femme. Les fuyant même, sans le paraître. Par fidélité à la parole donnée. Par amour bien sûr. Pour se prouver aussi qu'il n'est pas de ces velléitaires qui se laissent embarquer par le premier jupon. Bien qu'Aurore, usant d'un fallacieux prétexte pour refuser une fois de plus de se donner avant son départ, l'ait rendu, inconsciente de l'épreuve qu'elle lui imposait, perméable à n'importe quel attrait. Ne pesant pas, à coup sûr, le danger dont elle les menaçait sans le savoir. A moins qu'à sa manière, en dépit des apparences, elle ait fait ce qu'il fallait pour qu'il l'emportât sur le Minotaure et revienne vainqueur au travers du labyrinthe en remontant son fil d'Ariane?
Le voilà donc de retour, affamé, s'efforçant de reporter les yeux ailleurs que sur la belle voyageuse, mais n'y parvenant pas. Pour appliquer l'enseignement de ce vieux maître d'école qui, lorsque le temps annonçait la neige ou que le vent soufflait du midi, les faisait courir lui et ses camarades autour des platanes qui entouraient la cour pour les apaiser, il imagine d'aller désaltérer au bar sa gorge assoiffée. Se lève. Y va. Revient. Sort son carnet. S'essaye à rédiger trois notes avant de prendre pour prétexte les vibrations du train qui file sans heurt sur les rails pour s'arrêter d'écrire, ranger ses papiers, rengainer son stylo. Ne voulant accepter, s'il ne lui vient ni idée ni formule, d'en attribuer la carence à celle qui, devant lui - devant eux plutôt - langoureuse, indifférente, avec le dédain d'un félin se prélasse. Il ferme les yeux. S'applique à respirer à fond. Une fois. Deux fois. Trois fois. Comme il a appris qu'en ces cas-là il faut faire. Puis il s'imagine dans sa chambre d'hôtel s'enroulant dans sa couverture et se couchant par terre pour éprouver son corps à la fermeté du plancher. Mais rien n'y fait. Avant de ré-ouvrir les yeux, il tourne la tête vers la fenêtre, s'obligeant à ne regarder qu'ensuite : les maisons se rapprochent de plus en plus les unes des autres comme pour fuir la campagne. Il reconnaît les faubourgs de la cité : ils seront bientôt arrivés. Il referme les yeux en laissant aller sa nuque contre l'appui-tête. « Ce serait le bouquet si je m'endormais maintenant! » se dit-il en songeant à ce que penserait Théo qui doit l'attendre sur le quai puisqu'il a jugé trop difficile de lui expliquer par téléphone où ils devaient se rendre. Peut-être sera-t-il avec Aurore? espère-t-il. Aurore qui lui reproche de ne plus la regarder, de ne pas la considérer davantage qu'un meuble quelconque de la maison. Un meuble dont elle prétend qu'il ne prête attention que lorsque c'est à son tour de servir... Une expression se fraie un chemin dans les méandres de ses pensées : "A la hussarde!" Oui, c'est sans doute ainsi qu'il se comporte quand il rentre de voyage. Sans délicatesse. Sans ces prévenances et caresses qui témoignent de l'oubli de soi pour l'autre. Qui montrent le don de l'attente. La pureté de l'amour. Qu'en aucun cas ne prouvent les mots. Ni même la soif des corps. « Ne l'aimerais-je plus? Ou l'aimerais-je moins? » s'interroge-t-il, se demandant si, lorsqu'il est avec elle, il sait aussi bien qu'il le dit faire une croix sur son métier. Une valise touche son genou : le voyageur de la fenêtre passe en s'excusant. Il bondit : il est seul dans le compartiment. « Deux minutes d'arrêt ! » lance un haut-parleur. Il attrape en hâte ses bagages et se précipite vers la sortie. Du haut des marches il aperçoit, de dos, jetée dans les bras de celui qui l'attendait, celle avec qui ils ont voyagé. Bel homme! observe-t-il fugitivement tandis qu'elle plie sa jambe et montre un instant le dessous de cuir fauve de son soulier verni. Après avoir desserré son étreinte et libéré ses cheveux, de son bras libre son compagnon entoure les épaules et entraîne la belle voyageuse qui, tout à l'heure moitié statue, relève maintenant à tout propos sa tête joyeuse d'oiseau blond : ils se font avaler par la vague des voyageurs jaillis de la seconde rame et disparaissent.
- Suis-je bête! se dit le Reporter, étonné de ne pas avoir eu l'idée de semblable scène au moment où il lui eût été fort utile de l'imaginer tandis qu'il aperçoit, là-bas, à l'entrée du quai, deux bras qui lui font signe.[...]

Par Jean-Paul Gabarre.
Extrait de  OH ! MY GOD ! Pourquoi ? ("plaidoyer sous forme de roman", tome I de A la recherche de l'essentiel), Edilivre, juillet 2009.
Site de l'éditeur. (cliquez sur les mots bleus)

jeudi 17 octobre 2013

Lyon, boulevard de la Croix Rousse et grande côte



[...] Erell va faire son marché. Des SDF, il y en a beaucoup dans le quartier. Un homme de 35-40 ans, correctement vêtu, est installé sur un pliant. Sur un panneau posé à ses pieds, il a écrit : je suis en difficulté. Il ne regarde pas les passants, il achève la lecture d’un énorme bouquin de 2000 pages. Un autre homme, style manouche, cheveux poivre et sel, chante en s’accompagnant à la guitare. Son énergie joyeuse met de la bonne humeur sur le marché. Passe devant lui une vieille sorcière du quartier qui maugrée : « Si c’est pas une honte, étranger, et ça ne travaille pas ! » Lui n’entend pas la vieille, il chante. Erell lui donne un euro, ils échangent un sourire. Sur le boulevard, entre deux stands d’alimentation, un enfant handicapé de 12 ou 13 ans, assis à même le trottoir, se balance d’avant en arrière ; de temps en temps, il crie et se roule par terre puis subitement se redresse et tend un chapeau.
- C’est malheureux, dit le marchand primeur, il est là tous les matins. Des hommes le déposent et vont au bistrot en attendant de ramasser le produit de la quête. La police municipale passe régulièrement devant lui : R A S.
Dans les rues en pente, les murs sont couverts de graffitis et de textes. « J’ai vendu mon ordinateur pour 50 kilos de riz », a noté quelqu’un, d’une belle écriture d’instituteur, propre et nette. Qu’a-t-il voulu dire ? Un autre a bombé : « En raison de l’indifférence générale, demain est annulé ». Erell sort son calepin pour copier la phrase, elle l’enverra au « crieur public ». Sur le plateau, un marchand de vin appelle sa boutique Vinétarium. L’habillage scientifique nuit au goût, pense-t-elle ; je préfère acheter mon vin chez un caviste. Sur les vitres d’un magasin somptueux, on lit : Commerce équitable – bio – solidaire. Il marie la vitre, la pierre et les bois précieux et présente des thés de Chine dans des emballages raffinés. On dirait une exposition minimaliste dans un musée d’art contemporain. Elle se souvient de son enfance : il y a cinquante ans, les murs de ce quartier étaient uniformément noirs, comme le bitume, et transpiraient l’humidité. La fumée du charbon teintait le brouillard, les rues et les places étaient jonchées de crachats, de papiers gras, de journaux, peaux de bananes, de petites boites rondes et métalliques de tabac à priser ou chiquer, d’épluchures de cacahuètes. Aujourd’hui, le nettoyage urbain est quotidien. Arroseuses, balayeuses, aspirateurs, appareils à souffler sur les feuilles (et à déchirer les tympans) font la ronde. Nous vivons dans un pays riche, qui n’a jamais vu autant de riches… ni autant de pauvres ! Les SDF transportent leur garde-robe dans les solides sacs de Carrefour, verts comme l’herbe, ornés du slogan : « Agir aujourd’hui pour mieux vivre demain ». [...]

Par Monique Douillet.
Extrait du roman Après le onze mars, éditions Langlois Cécile, septembre 2013.

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jeudi 10 octobre 2013

Traboules


Comment faire des promenades dans Lyon sans emprunter les traboules ? Nos pas semblent y suivre ceux d’Astérix et Obélix car quand Condate, quand le confluent, était une zone amphibie, on remplaça déjà les rues transversales par des passages, les « traboules ».

Le Littré de la Grand’Côte de Clair Tisseur (alias Nizier du Puitspelu) nous livre l’étymologie de ce terme très lyonnais : trans (à travers) ambulare (se promener).

Dès le Moyen Age passaient par ces traboules piétons qui évitaient la circulation des rues, potiers ou canuts qui ainsi n’exposaient pas leurs écheveaux ou tissus de soie aux intempéries. Au milieu des traboules, on a cependant placé « un portique de fer, très bas, très étroit, qui empêche les voleurs de soie de s’ensauver avec leur ballot sur l’épaule » nous explique Pétrus Sambardier.

Henri Béraud, dans les Lurons de Sabolas, décrit leur utilisation en 1832 par les canuts révoltés place Colbert à La Croix-Rousse  ; on a cité déjà sur cette même place la Cour des Voraces et de nombreux résistants les ont imités pour échapper à la Gestapo. Paul Eluard, Louis Aragon, Pierre Emmanuel se réunissaient eux place de la Baleine et rue des Trois Maries pour publier la revue clandestine Confluences éditée par René Tavernier. Il semble que certaines traboules servirent les maisons de passe à deux entrées, dont l’une bien achalandée  profitait de la traboulante cour de l’actuel musée de l’Imprimerie !

Benoît Claqueret, il y a une bonne vingtaine d’années, proposait un petit circuit touristique par les traboules des pentes de La Croix-Rousse mais d’autres traboules existent dans la Presqu’île ou dans le Vieux Lyon.





Par Pierre Cœur.
NB : "La lecture d'un article sur le village dauphinois de La Grave vient de m'apprendre que les ruelles y sont dénommées "trabucs". Le nom de ce village dérivant du mot celte "grava" c'est à dire "sol caillouteux", le terme de "traboule" ne dériverait-il pas aussi du même mot celte ? Il n'y aurait là qu'un exemple de plus du "Terrorisme intellectuel de la culture classique " (cf article en numérique chez Alter-éditions) qui, suivant les Romains, a tenté de gommer toutes nos racines "barbares" ?" Pierre Cœur.

vendredi 4 octobre 2013

Ca s'est passé à Saoû - 2



Nous retrouvons Dana et Maurice, en panne à Saoû...

Bref, nous avons attendu, dans nos fauteuils, dans la salle d'attente du garagiste priant le ciel qu'il ne nous donne pas un bon coup de bille sur le crâne. Le garagiste, charmant homme, a réussi à trouver la pièce. Nous allons pouvoir repartir sans dommage et la facture s'avère plus que raisonnable. Merci Monsieur Guichard, vous êtes un homme bien !
Enfin, il est 19 heures lorsque nous arrivons à Saoû, juste pour prendre une collation légère et rapide, car notre logeuse s'inquiète pour nous. Nous parvenons à trouver l'adresse de notre gîte sans trop de mal et nous sommes heureux de nous approprier les lieux avec la délectation des êtres éreintés.
Le lendemain, nous sommes plongés dans les préparatifs du Festival des Mots et nous apprécions le petit cani juste bien situé sur la belle petite place des cagnards. Celle-ci se trouve cernée de maisonnettes en forme de rempart. Le site est charmant.
Après le déjeuner pris à l'Oiseau sur sa Branche où le chef concocte des plats appétissants et délicieux à souhait, nous prenons la route de Bourdeaux pour rencontrer notre nouvelle logeuse. Nous sommes déçus car nous devons nous garer loin de notre logis. C'est compliqué pour nous. Enfin, nous sommes contraints de faire avec... je dois me préparer, me maquiller, mettre mon costume pour une soirée unique et inoubliable.
Nous retrouvons nos amis Jacques Bruyas, Christian Belleguelle, Henry Chastant et Christian Gaba. La soirée va pouvoir commencer non sans quelques oublis et ajustements inévitables. Après l'inénarrable prestation d'Henry Chastant, puis de Christian Belleguelle, de moi-même et de Christian Gaba, conteur togolais la soirée s'achève vers vingt-trois heures. J'ai si peu conté depuis dix ans mais toujours devant de bonnes assemblées attentives. Un grand coup de chapeau à Maurice qui s'est mis en quatre pour le bon déroulement de la soirée. Nous dormirons bien ce soir.
Le lendemain matin, nous voici tous installés sur la place autour des tables réservées aux auteurs venus de loin pour cette première manifestation. Des visiteurs parcourent les ruelles du village où se déroule le marché aux produits régionaux. Je n'ai pas pu me retenir de faire le plein en aulx, tomates, fruits et œufs.
L'après-midi se déroule avec les artistes invités autour de leurs textes Anna Prucnal, Enzo-Enzo et Fabien Attias, sous une alerte orange d'un ciel chargé de vent et de nuages noirs. Les visiteurs viennent curieux et attirés par cette toute nouvelle manifestation culturelle. Enfin devant la menace d'un orage violent, tout le monde fini par plier bagage. Il faut à tous reprendre la route.
Nous, nous restons autour d'un repas avec nos ami(e)s, Jacques, Fabien, Audrey, Bernard, Aïcha, Ali et son épouse, Clémentine, Norlane. Nous nous régalons des délices préparés avec amour par le chef. Soudain, Aïcha me demande :
­-­ Viendras-tu à Thionville ?
Je la regarde ébarbelusée*.
­-­ Pourquoi ?
­-­ Chercher ton prix ?
­-­ Un prix ?
­-­ Ben oui, et pas des moindres... le prix des frères Grimm et européen de surcroît !
Moi, évidemment je n'y comprends goutte... et soudain, il semble me rappeler que j'ai bien reçu un courrier mais comme je n'y croyais pas, je l'ai jeté à la poubelle. Mince !
Aïcha me donne d'autres précisions. Elle se rend à Thionville, elle aussi récompensée. Et comme je ne comprends toujours pas ce qu'il m'arrive, elle se tourne vers Jacques, Audrey, Bernard, Clémentine et Norlane.
­-­ Oui, oui c'est bien paru dans le site de l'UERA !
Eux savent, moi pas ! Il semble que rien ne les surprennent, de mon côté je ne réalise toujours pas ce qu’il m'arrive ! Un peu de temps pour atterrir me sera nécessaire.
Le lendemain, nous nous rendons à 10 heures devant l'Office du Tourisme, où il nous faut entrer dans les locaux car il tombe quelques gouttes. Nous écoutons les explications sur l'origine et l'historique de cette grandiose Forêt de Saoû. Puis, nous nous installons devant le porche de l'église pour écouter la lecture du merveilleux texte de Fabien Rodhain, hymne au sauvetage de nos semences mondiales. Cette lecture faite par Aïcha Vesin-Chérif, Audrey Dupont et Fabien Rodhain, l'auteur, nous plonge dans l'échange de correspondance entre trois personnages Rose, Nilakshi et Pierre-André (lettres sensibilisant le lecteur au problème des semences mondiales menacées par les multinationales. Vandana Shiva est le symbole même de cette lutte des paysans indiens, l'ardente passionaria des semences libres)**.
Que voilà un beau sujet pour conclure en beauté ce festival des mots Saoû ETC... bien prometteur pour l'an prochain !

*mot de patois.
** parution à venir.

Par Dana Lang, au Cergne, 13 septembre 2013

jeudi 3 octobre 2013

Ca s'est passé à Saoû - 1

Billet sur notre séjour de quatre jours à SAOÛ, le 5, 6, 7 et 8 septembre 2013, à l'occasion du 1er festival Ecritures, Théâtre et Compagnie organisé par l'UERA et "Musique et théâtre sous le tilleul". 

Pour des raisons de fatigue et d'organisation, nous préférons avancer notre voyage d'une journée. Seulement, nous n'avons pas réservé notre chambre pour la nuitée du vendredi soir au samedi. Nous tentons de joindre quelques hôtels, peine perdue, ils sont tous complets. Tant pis, nous verrons sur place. Après trois heures d'autoroute via Roanne, Saint-Étienne, Valence puis Crest, nous arrivons dans ce petit village si pittoresque qui nous avait déjà tellement séduits en juin.
Nous avons cherché en vain un hôtel à Crest puis sur la route, mais tout était loué. En arrivant, nous nous posons d'emblée à l'Oiseau sur sa Branche où après un coup de fil à Jacques, nous trouvons une place à la Chèvre qui Saoûrit. Sauvés !
Puis, nous optons pour une petite balade, histoire d'aller plus avant dans notre découverte du site. Comme il se doit, la Forêt magique et sacrée de Saoû nous attire. Nous nous enfonçons sur cette route surprenante. Elle s'engage profondément dans un défilé de rochers en pain de sucre et nous offre un spectacle étonnant dans un cadre de verdure exceptionnel. C'est une forêt merveilleuse emplie du mystère qui enveloppe les lieux chargés d'arbres vénérables. La nature y est souveraine. Toutes les essences poussent avec délice et ravissement comme un défi à l'homme prédateur. J'aime cet endroit magique. Nous arrivons dans un parking au cœur d'une clairière. Elle invite à s'engager sur ses sentes et l'on ressent son appel ensorcelant à courir s'y perdre à folle haleine. Mais, nos fauteuils ne sont pas suffisamment chargés pour tenter l'aventure.
Nous rebroussons chemin pour suivre la route qui serpente jusqu'au Pas de Lauzen, un col à 500 mètres d'altitude. Au bout de quelques mètres, un voyant lumineux s'allume sur le tableau de bord :
­-­ Mince, mais c'est quoi encore ? prononce Maurice bougon.
Il fait demi-tour, recule et le voyant s'éteint :
­-­ Une fausse alerte !
Il renonce à renoncer.
Alors entêtés, nous prenons cette route étroite plus ou moins en corniche jusqu'au Pas de Lauzen. Elle monte en lacets et redescend jusqu'à Aouste. Noms comiques dans ce pays, comme aussi le village de Saoul près de Bourdeaux, cela me fait sourire. La route se poursuit ainsi dans cette forêt magnifique où deux voitures ont du mal à se croiser, à plus forte raison avec notre véhicule utilitaire ! Nous sommes sur ce parcours vers Aouste où fort heureusement, nous ne croisons personne, mais nous préférons remonter par où nous sommes descendus plutôt que de reprendre par Crest.
Tout à coup, le véhicule cale ! Démarrage forcé, recale et recale encore... et ainsi de suite :
­-­ Zut, alors, que se passe-t-il ?
Mais rien ne s'arrange, au contraire, il faut remettre un coup de starter à chaque calage. Comment faire ? Ici, nous ne pouvons pas rester sans occasionner un problème ? Il faut parvenir au col. Maurice s'arrête, regarde sous le capot :
­-­ Mince, ça alors ! Il n'y a plus une seule goutte de gasoil ! Tant pis, il faut monter, on se laissera redescendre jusqu'au village ! Zut de zut ! Bon sang, c'est pas possible !
Je prends un fou rire monumental... comme à chaque fois dans ces moments là, ce qui irrite un peu plus Maurice qui n'a pas vraiment envie de rigoler !
Après maints efforts de démarrage et de redémarrage, teuf... teuf... teuf... nous dégringolons la pente en soufflant... enfin, le véhicule !
­-­ Ouf, on va y arriver !
Et pile, devant la mairie sous les gros platanes qui ornent la rivière.
­-­ Et chic, nous sommes à l'ombre !
Maurice appelle le service de dépannage et nous attendons ici, l'arrivée du garagiste. Lorsqu'il arrive après quarante minutes, il nous annonce :
­-­ Je ne comprends pas ! Ce genre de panne n'arrive jamais ! Le bocal du filtre diesel est cassé !
Bien entendu, tout ce qui n'arrive jamais, nous arrive à nous !
Il nous charge dans notre bahut et sur sa dépanneuse sous les yeux du maire Daniel Gilles qui s'interroge. Évidemment, je pouffe de rire et plus encore, lorsque nous défilons dans notre étrange équipage, devant l'Oiseau sur sa Branche, sous les yeux de tous.
­-­ Ben vrai ! Qu'est-ce qu'ils font donc ces deux-là dans leur camion ?
­-­ La Fontaine aux Fées qui déménage !
Cependant que Maurice à côté de moi se plaint de nausées :
-­ J'ai peur, ça tangue, ça tangue, j'ai peur d'aller au trou !
­-­ Ben, mais t'as oublié lorsque nous sommes tombés en panne en pleine nuit pour aller à Paris ? C'est moi qui était dans l'auto sur la dépanneuse ! Et nous avons trouvé moyen d'être à l'heure à notre réunion !
J'éclate de rire. Lui, à côté de moi devient vert ! 

A suivre (demain).
Par Dana Lang