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Au XVIIIè siècle, le panorama de la ville du Moyen-Age n’avait guère changé. On accédait à
la ville par d’étroits boyaux dans les faubourgs, véritables « quartiers
bains-de-pieds » (Petrus Sambardier), avec des maisons servant de digue
dont les caves donnaient sur le fleuve ou la rivière tandis que les
rez-de-chaussée ouvraient sur le faubourg, ainsi au faubourg de Pierre-Scize
entre Vaise et Lyon ou au faubourg de Bresse à Saint-Clair. Le Consulat s’endette pour
soutenir l’entreprise Perrache avec un projet visant à incorporer l’île
Mogniat à l’extrémité de la presqu’île « projet cohérent, répondant aux ambitions de
l’administration royale et du Consulat qui n’était pas à même de les réaliser.
Parmi celles-ci : l’achèvement d’un axe
nord-sud avec la chaussée du Languedoc et le pont de La Mulatière, la
régularisation du cours des fleuves
et de leur jonction, l’organisation rationnelle de la meunerie, considérée comme un service prioritaire, et, enfin un accroissement de la ville dans des
limites précises, garantissant sa défense et son intégrité fiscale » (Cottin).
L’échec
technique de la meunerie fut à l’origine du désastre financier. Cet aménagement trace deux chemins, de halage
sur la rive droite et de contre halage
sur la rive gauche, franchissant les Etroits de Sainte-Foy-lès-Lyon. Par
contre, le Consulat s’oppose totalement aux travaux de Morand, financés
par des capitaux privés avec l’aval de Louis XV c’est-à-dire le lancement d’un second
pont sur le Rhône. L’urbanisation du
« quartier » Morand suivra lentement sous l’égide de la compagnie
Morand devenue compagnie des Ponts du Rhône et les projets pour la rive gauche
du Rhône, oubliés pendant la Révolution,
seront repris en bonne part après elle… ouvrant la plaine du Bas-Dauphiné à
l’expansion lyonnaise. Les ingénieurs du roi « au département de Lyon des ponts et
chaussées » se sont attachés au problème de la traversée de Lyon. On ne put certes à cette époque s’attaquer à
ce front de Saône continu et il faudra le pouvoir du régime proconsulaire
installé après le siège de Lyon par la Convention pour démolir plus de cent
maisons entre Pierre-Scize et le Change en jetant les déblais à la rivière…
pour faciliter le passage de l’Armée des Alpes. Mais on aménagea les deux routes vers Paris par la
Bourgogne ou le Bourbonnais grâce aux routes en pente bien plus douce de
Balmont et de Montriboud en place des pentes raides de la gorge de Balmont et
de celles de Saint-Barthélemy ou du Chemin-Neuf ; la jonction de ces deux
routes place Valmy actuelle fut reliée au port Mouton par la Grande-Rue-de-Vaise.
Les quais du Rhône de Saint-Clair à La Mulatière furent dégagés en moins de 40 ans en partie grâce au
financement de la Charité ou de l’Hôtel-Dieu pour le quai de Retz complétant le
côté grandiose de la façade de Soufflot ; au nord, Rater assure la
jonction de ces quais vers le château de La Pape et la nouvelle route de
Bresse ; au sud, un raccord précaire est établi vers le pont d’Oullins sur
l’Yzeron et au-delà, Les Sept Chemins. Par contre, les projets restent dans les
cartons des voies vers l’est - place du Pont (Gabriel Péri), cours De
Brosses (Gambetta), pont du Midi (Gallieni), avenue du Midi (Berthelot) –
coupées par le cours Bourbon (Liberté) ou l’avenue de Saxe.
Sous la Révolution, Bourgneuf disparaît définitivement
de la liste des communes. Cuire - La Croix-Rousse devient « commune
Chalier ». La Guillotière, banlieue alimentaire de Lyon devenue
« ville affranchie », et les Brotteaux sont rattachés à l’Isère. Les bombardements avaient endommagé beaucoup :
Hôtel-de-Ville, Hôtel-Dieu, quais du Rhône, fortifications, château de
Pierre-Scize. Les voieries étaient
déchaussées, Bellecour transformée en chantier boueux. « Toutefois, le décret, qui vouait toute une ville à être
« régénérée » par la punition des « coupables » et la destruction
d’une partie de ses bâtiments, ne fut en réalité jamais appliqué au sens
strict. Si l’on excepte les dégâts dus au siège, le bilan des destructions
paraît même assez faible (au début de 1794, 27 maisons avaient été vouées à la
démolition) et les Lyonnais ont habilement su détourner le « marteau
national » vers des quartiers insalubres et des voies à élargir, bref
transformer les destructions politiques en une sorte d’opération d’urbanisme (cf
démolition de plus de cent maisons dont les pieds baignaient dans la Saône) » (Michel Biard).
Au XIXè siècle, si Bonaparte, retour de
Marengo en 1800, pose la première pierre des nouvelles façades de Bellecour,
Lyon ne récupère pas le
Rhône-et-Loire et reste coupée en trois divisions, sans mairie centrale,
jusqu’à l’Empire. Napoléon pensa faire de Lyon sa capitale et regrettera à
Sainte-Hélène de ne l’avoir point fait ; il envisageait l’érection d’un
palais impérial dans la toute nouvelle « presqu’île Perrache ». Dès
1826, le maire Jean de Lacroix-Laval reprend les idées de son prédécesseur, le
baron Pierre-Thomas Rambaud, et fait achever
l’aménagement du confluent. Les frères Seguin s’engagent à industrialiser
le quartier dont on leur cède le terrain, car Lyon veut concurrencer le quartier
industriel de la commune de La Guillotière (en Isère), et y amènent le train de
Saint-Etienne en 1832. Il s’agissait surtout d’amener le charbon. Les fortifications de la
période Louis-Philippe sont déjà distantes du centre-ville et celles postérieures
à la guerre de 70 le seront encore bien davantage. Ce sont les modifications
administratives qui vont surtout marquer le siècle : en 1852, le
pouvoir central soucieux du maintien de l’ordre, annexe à Lyon, après la
visite du prince-président en 1851,Vaise (faubourg industriel diversifié
autour des routes et du port), La Guillotière (cité du roulage vers
l’est, de la « vitriolerie » et des savons, quadrillée de rues par
Vitton, débordant au nord sur Les Brotteaux en voie d’urbanisation dès 1840,
mais encore infestés de moustiques), La Croix-Rousse (qui fait battre la
moitié des hauts métiers de l’agglomération et sera vers 1840 la plus grande
concentration ouvrière de l’époque) et inclut dans le Rhône : Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron,
Vénissieux qui étaient jusque-là dans le département de l’Isère. Mais la ville
souffrira durant plusieurs décennies de l’absence
de mairie centrale.
Au XXè siècle,
la
population de Lyon, stable un peu au-dessus de 450 000 habitants de 1936
à 1946, atteint 528 500 en 1962 mais est retombée à 466 400 en 2006 dans
une agglomération de 67 communes dépassant le million à partir de 1968. On comprend
la
nécessité de créer la COmmunauté URbaine de LYon (la COURLY). Elle fut
installée le 1er Janvier 1969 regroupant 58 communes, avec Givors et Grigny
depuis le 1er janvier 2007 puis dernièrement Lissieu, et compte un
peu plus de 1 250 000 habitants aujourd’hui. Les annexions du
département du Rhône en 1968 (autour de Rillieux-La-Pape sur l’Ain, cantons de
Décines, Meyzieu et Saint-Symphorien-d’Ozon auparavant dans l’Isère) avait déjà
accru la sphère d’influence de la métropole. Plutôt dénommée maintenant « Grand
Lyon », elle a toujours été présidée par le maire de Lyon. La Part-Dieu, volonté du maire Louis Pradel dès
1963, après que les cuirassiers aient abandonné en 1960 ce terrain militaire,
caserne en pleine ville depuis 1844, après que l’aménagement du sol et du
sous-sol de ces broteaux ait été
achevé, voit un centre commercial, le plus grand d’Europe, construit en un an
en 1973 - 1974, tandis que la tour du Crédit Lyonnais (le crayon) fut édifiée
de 1972 à 1977 et que le coût de sa climatisation a dissuadé longtemps de lui
faire une sœur, mais la Part-Dieu a échoué dans sa tentative de devenir un
« centre-ville ». C’est il y a une soixantaine d’années que Lyon a
réalisé sa dernière annexion avec Saint-Rambert-l’Île-Barbe
devenue le 9è arrondissement. Sur le terrain de l’hôpital
de la Charité, rasée sauf son clocher en 1934, apparaissent derrière
l’Hôtel des Postes de la place Antonin Poncet plus tard rénovée, un Hôtel des
Impôts et un grand hôtel mordant en particulier sur l’ancien hôpital militaire
Desgenettes.
Aujourd’hui, la cité voit plus grand encore que l’aménagement
de Confluence.
Pendant que se peaufine ce nouveau schéma administratif qu’est la grande métropole, l’agglomération lyonnaise
gagne du terrain au point de déborder sur les départements de l’Ain ou de
l’Isère et même de la Loire ; son rayonnement s’étend sur 45 kilomètres
environ, englobant par exemple Villefranche-sur-Saône ; elle a gagné 4,7 %
lors du recensement de 2006 grâce surtout à l’arrivée d’actifs et d’étudiants.
Par Pierre Coeur.