Louis
Mandrin fait
partie de la culture dauphinoise au même titre que Bayard quoique dans un autre
registre, dans une province qu’illustre fort bien ce titre de Stendhal, « le Rouge et le Noir » ! Comme
vous, il s’est beaucoup promené en Rhône-Alpes et aussi au-delà. Il est né le
11 février 1725 à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs,
dans la plaine de Bièvre de ce Bas-Dauphiné, région que l’on qualifie de Terres Froides et à 17 ans, va devoir subvenir aux besoins d’une famille qui comporte
ses trois frères et ses quatre sœurs sans
oublier « la miche de pain que Maman
Marguerite dissimule sous son tablier » ! Délaissant un peu le
commerce de la boutique, Louis se lance vers l’élevage et court de foire en foires. On lui donne au village le
surnom de Belle Humeur.
Avec deux
associés, il s’engage à livrer 97
(« cent moins trois ») mules ou mulets bâtés et harnachés,
pour le transport du ravitaillement de
l’armée de Provence du maréchal de Belle Isle. Hélas pour Mandrin, dix des
bêtes rassemblées meurent en tombant dans des ravins de montagne puis, les
préliminaires de la paix d’Aix-la-Chapelle
du 18 octobre 1748 mettant fin à la Guerre de Succession d’Autriche conduisent
le maréchal à licencier une partie de ses troupes. Mandrin, de Draguignan doit
regagner le Dauphiné mais, parti avec 80 mulets, du fait de la nécessité de
vendre nombre de bêtes, il arrive chez lui avec 16 ou 17 animaux squelettiques dont neuf reviendront à ses
associés.
La famine
s’abat alors sur la maison familiale car il a engagé dans cette affaire
les ressources du commerce et aussi car les fermiers généraux ne lui règlent
pas son dû. Pour faire vivre les siens,
Louis se livre donc dès 1750 à une contrebande « banale » comme
la frontière piémonto-savoyarde (et au-delà, la Suisse alémanique via Genève) était proche et franchissable par
les Grottes des Echelles ouvrant, et sur le bas Guiers Vif en France, et sur le col de Couz en Savoie ; il se cachait
aussi, dit-on, dans les Grottes de La Balme !
En
juillet 1753, au creux des Serves, une rixe
se termine mal avec deux morts. Louis
Mandrin qui s’est enfui voit sa tête
mise à prix et son nom inscrit sur le pilori de son village. De plus, les frères de Louis – Claude et Pierre –
surpris à piller le tronc de l’église de Saint-Etienne sont condamnés aux
galères pour le premier qui s’est enfui et à être pendu place du Breuil à Grenoble (aujourd’hui place Grenette) pour
le second qui persistait à « fabriquer
des fausses pièces à l’effigie du Roi », son exécution survenant le
lendemain de celle de leur ami Brissaud, pris au creux de Serves, soit le 21
juillet 1753.
C’en est trop, Louis Mandrin, poussé par le père
Ambroise vieil ami de son père défunt, accepte de rejoindre le 25 au Pont-de-Beauvoisin Bélissard dit « Le
Pays ». Ce dernier à la tête de ses troupes
de contrebandiers, une dizaine d’hommes, veut attaquer la maison des Fermes
Générales du village-frontière afin de délivrer des « gâpians »
Gabriel Legat dit le Frisé arrêté par eux quelques semaines plus tôt. L’affaire
manque tourner bien mal pour les contrebandiers et Bélissard, couché en joue
par un employé de la ferme, ne doit la vie sauve qu’au réflexe de Mandrin. Le
Guiers repassé au gué Popet, devant ses troupes regroupées en terre savoyarde, Bélissard nomme alors Louis Mandrin
capitaine de ses troupes, restant lui son lieutenant.
Durant six mois, le jeune capitaine de 28 ans organise la troupe destinée à la guerre
contre les fermiers généraux dont les procédés effrayent Louis XV lui-même
et leurs séides, les « gâpians ». Grossissant les effectifs,
entraînant les hommes qui sont surtout des Savoyards, assurant sécurité et
intendance, il ne néglige pas l’aspect commercial de l’affaire. Il achète en
particulier du tabac et des indiennes (toiles imprimées avec des
tampons de bois introduites en Europe en 1648 par des marchands arméniens au
temps des Compagnies des Indes orientales) en Suisse pour les revendre en
France car, de 1686 à 1759, ces tissus étaient prohibés mais fort recherchés (y compris par la Pompadour pour ses
appartements).
A suivre.
Par Pierre Coeur.
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