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samedi 23 novembre 2013

Sur les pas de Louis Mandrin - 3


Suite et fin de l'histoire de Louis Mandrin, bandit bien-aimé.

Dans cette auberge de son fidèle ami Gauthier, Mandrin prépare avec Bélissard et Dauphiné (autre chef de contrebandiers) une puissante sixième expédition de 2 000 hommes prévue pour mai 1755. Mais c’est dans cet asile sûr que le rejoint Marsin, un espion qui va fournir aux armées royales des renseignements de première main. Marsin fut l’espion qui approcha du plus près Mandrin bien que Gauthier l’ait très tôt suspecté sans convaincre son chef, mais il  n’est qu’un des multiples infiltrés par les Fermiers Généraux au sein des contrebandiers. Mandrin feint alors d’être diminué et, début mai, va « se mettre au vert » à Rochefort-en-Novalaise.

Les Fermiers Généraux décident donc de pénétrer illégalement en Savoie, alors dans le duché de Piémont-Sardaigne, et c’est dans la ferme du château de ce village que, la nuit du 10 au 11 mai 1755, 500 hommes déguisés en paysans arrêtent Mandrin et ses amis, grâce à la trahison de deux des siens. Ils pillèrent au passage le château du Premier Président du Parlement du Dauphiné. La Morlière, Fischer et Diturbide jugèrent prudent d’évacuer sur une charrette Mandrin et Saint Pierre pieds et poings liés vers Valence où ils arrivent le 13 au matin musique en tête, mais encadrés de dragons. « Belle Humeur » justifie son surnom, fumant sa pipe et interpellant joyeusement la foule.

Le juge de Valence, Gaspard Levret de Malaval, dévoué aux Fermiers Généraux, traite convenablement Mandrin qui demeure calme et plein d’assurance et dont il reconnaît « qu’il lui en impose » tandis que des anonymes couvrent la prisonnier de cadeaux (viandes et gâteaux ou boissons alcoolisées). Néanmoins, comme le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III exige depuis Turin auprès de Versailles la restitution du prisonnier capturé sur son territoire, pressé par le Contrôleur général des Finances, menacé d’une invasion des troupes de contrebandiers massées sur la frontière par Belissard « Le Pays » parlant de tout mettre à feu et à sang pour délivrer son chef à Valence, il accélère l’instruction. La peine de mort est prononcée le 24 mai, Mandrin, qui a subi le supplice des brodequins sans parler, est roué vif puis étranglé sans un cri devant 6 000, voire 12 000 curieux venus parfois du fin fond du Vivarais, mais surveillés par les soldats en armes du régiment de Tallern, le 26 place des Clercs. La capture de Louis en terre savoyarde entraîna de très vifs échanges entre le gouvernement  de Louis XV à Versailles et celui du roi de Sardaigne à Turin : ce dernier obtint l’extradition … quatre jours après l’exécution à Valence ! Fidèle à son pays, il aurait partagé avec le père Gasparini venu l’assister « un verre de cette délicieuse liqueur que l’on fabrique à La Côte-Saint-André et pour laquelle je garderai, même dans l’au-delà, une prédilection » ; fidèle à son engagement, il aurait demandé que l’on poursuive sa lutte contre le fisc. 

Moins de deux ans après l’exécution de son frère Louis, Claude Mandrin à la tête d’un fort contingent de contrebandiers vint depuis la Savoie faire une démonstration militaire au Pont-de-Beauvoisin, insultant sur le pont-frontière les autorités françaises et menaçant de mettre la bourgade à sac ! Le royaume de Piémont-Sardaigne obtint la suppression des têtes de pont françaises sur la rive gauche du Rhône en 1760. En 2002, le nom du « héros » local est donné à une bière grenobloise aux noix ! Sa légende a inspiré dès sa mort (mais à qui ?) une complainte comportant neuf strophes sur l’air d’un opéra de Jean-Philippe Rameau, Hippolyte et Arcie composé en 1733, mais elle est truffée d’inexactitudes (vêtements blancs, contrebande non évoquée, place du Marché à Grenoble et non place des Clercs à Valence où il fut roué et pendu après sa mort aux fourches patibulaires !) car il existe tout un cycle de Mandrin comme d’ailleurs de Lesdiguières. Son nom même est devenu commun pour désigner les contrebandiers sous le terme de « mandrins » et il fut une manière de symbole dans la lutte contre l’Ancien Régime en particulier lors de la Commune de Paris. Le cinéma lui aussi a mainte fois mis en scène ce « bandit bien-aimé » sans être toujours fidèle à l’Histoire.

Par Pierre Coeur.

Pour en savoir plus :
Mandrin, le capitaine général des contrebandiers de France, éditions Hachette, Paris, 1908, par Frantz Funck-Brentano 
L’aventureuse existence du Capitaine Mandrin, collection « Provinces »,  éditions Concorde, 1944, par Prosper GIEN 
Contrebandiers et gabelous, éditions France-Empire 1999, par André BESSON 
Mandrin Louis (1724 – 1755), Thesaurus III de l’Encyclopedia Universalis France S.A., 2008, par Louis TRENARD 
Mémento de l’Histoire du Dauphiné, éditions des Traboules, 69530 Brignais, 2012, par Pierre CŒUR 
Wikipédia, Louis MANDRIN

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