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Tableaux en attente d'écrits UERA

jeudi 15 mai 2014

Un Préfet aux champs



Alphonse Daudet avait imaginé un sous-préfet épris de poésie s’attardant pour écrire son discours d’un comice agricole en quelque bucolique arrêt dans les champs. Et bien au XIXe siècle la région lyonnaise connut un préfet-sénateur-maire du nom de Waïsse (écrit aussi avec un « v ») dénommé le « Haussmann lyonnais » qui dans un grand élan hygiéniste rêva d’apporter la campagne à la ville et décida la création du Parc de la Tête d’Or. Le nom de ce parc vient de l’ancien domaine éponyme qui s’étendait jusqu’à Vassieux sur la rive droite. C’est de ce domaine qui fut tour à tour propriété de la famille Lambert (de Villeurbanne), puis des Jésuites, puis de l’Échevinage lyonnais pour finir aux Hospices civils de Lyon, que furent distraits en 1856 les 117 hectares propices à l’édification du dit parc.
Le projet approuvé, les administrations préfectorales et municipales firent choix des frères Bühler, architectes paysagistes ayant à leur actif le « jardin des plantes » des pentes croix-roussiennes, pour l’exécution d’un plan répondant aux désidérata formulés par M. Gustave Bonnet, ingénieur en chef de la Ville de Lyon, grand amateur avec le Préfet Waïsse de plantes rares et de jardins ouvragés… 
Le Préfet aimait son parc mais dans son empressement urbanistique, il omit une vérification d’usage élémentaire, le zonage et l’arpentage précis du terrain… conclusion : les deux tiers du parc étaient alors terrains villeurbannais…
Cela s’arrangea non sans mal sous un premier mandat Herriot mais reconnaissons que lorsqu’un préfet herborise, il confond facilement pomme d’amour et pomme de discorde !

Photographie de Norlane Deliz - parc de la Tête d'Or - juin 2009

Photographie de Norlane Deliz - parc de la Tête d'Or - avril 2011

Par Jacques Bruyas.
Chronique villeurbannaise, écrite pour Le progrès en 2010.

jeudi 8 mai 2014

Souvenirs d'enfance d'un pied-noir


 

Aïn Temouchent

Berceau de ma naissance
Ta douceur de vivre et ta nonchalance
Je me rappelle ton école
Où nous allions contents le cartable sur les épaules
Les grandes promenades sur le boulevard national
Le soir sur la terrasse des cafés il y avait des bals
Nous nous arrêtions pour consommer des rafraîchissements
De voir des personnes joyeuses était apaisant
Le matin les adultes s’affairaient au travail
En attendant patiemment le soir pour les retrouvailles
Il y a aussi les plages Temouchentoise
Nous décrivions leur beauté sur nos ardoises
Tous les week-ends nous allions à la plage
Nous flânions sur le sable en regardant le large
La quiétude et la douceur de ce lieu
Nous étions insouciants et heureux
Du drame qui se préparait dans la pénombre
La cruauté et le destin frappaient dans l’ombre
La quiétude se transcendait en cauchemar
Le pays de la domination en avait marre
Sur le boulevard si paisible et accueillant
Sur ce lieu planait odeur de peur et de sang
En 62 il y a eu l’indépendance
Par la force des choses nous sommes rentrés en France
Nous les déracinés oui mais au tractopelle
Nous avons été parqués pèle mêle
Nous les pieds-noirs meurtris par le destin
Nous avons été accusés et mis au rang des assassins
Par les métropolitains qui rejetaient sur nous
La perte de leurs êtres chers tombés dans un grand remous
Qu’était la guerre d’Algérie !
Gérée par une méconnaissance de la tragédie

Par Bernard Perez.

Extrait de La vie en poésie, éditions Edilivre, 2014

 La vie en poésie


vendredi 2 mai 2014

Le Temple de Yanis, Semi-Terre de Maeldwin - 2

Retrouvons la Semi-Terre de Maeldwin et terminons la construction du Temple de Yanis.

[...]
Le Temple de Yanis fut construit avec les plus rares marbres blancs. Les architectes rivalisèrent pour imposer un esthétisme mélangeant l'austérité à la magnificence. Ils érigèrent des colonnes imposantes, remplies de majesté. Le tympan de la façade principale, celle qui regardait vers l'ouest, vers le soleil mourant, devint l'œuvre des sculpteurs les plus doués. De nombreuses statues ornèrent une multitude de niches, reprenant les portraits imagés des divinités auxiliaires, hideux et magnifiques, monstres si semblables à la réincarnation de quelque cauchemar qu'il semblait que seule la réalité leur donnait naissance.  
La complication voulue du plan fit de l'édifice un sanctuaire tortueux, où les alcôves succédaient aux chapelles, où les déambulatoires zigzaguaient longuement avant de s'évaser en des salles gigantesques, où les cloîtres abrités des rigueurs du climat déroulaient l'infini de leurs arcatures... Des pans de murs entiers furent décorés de fresques : on y parlait des Sept Miracles ou de l'Odyssée de Yanis en terre des Mortels. La mythologie se mêlait à la réalité. 
Puis, avec l'arrivée des ailes vagabondes, lorsque les mouettes s'élançant vers la mer formaient les seuls nuages de ce pays, le Temple de Yanis fut consacré en grandes pompes. Les notables de tous pays, les rois les plus puissants, les négociants les plus riches, furent invités. Béowulf laissa libre cours à son goût du luxe. La fête dura sept jours et sept nuits. Des troupeaux entiers furent sacrifiés et leur sang répandu le long des escaliers menant au Trône Suprême. Les festins les plus raffinés furent servis tandis que Béowulf déployait toute son adresse de prescient pour terroriser les Grands de ce monde. Tous, dans la naïveté de leurs âmes superstitieuses, se donnèrent corps et âme au nouveau culte. Yanis, Déesse Suprême de la Mort, naquit ce jour, surgie des effluves âcres du sang et du chaos barbare de la fête. Personne n'osa contester son existence. On lui éleva une idole née des ors les plus fins. Béowulf d'Énée se déclara satisfait. 


Par Valérie Simon.
Extrait de Yanis déesse de la mort, tome 1 du cycle de fantasy Arkem la Pierre des ténèbres, Éditions du Riez, 2013.
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jeudi 1 mai 2014

Le Temple de Yanis, Semi-Terre de Maeldwin - 1


Dans le Temple de Yanis, sur la Semi-Terre de Maelduin, les saisons s'écoulaient, identiquement renouvelées, alternances monotones qu'il était difficile de différencier autrement que par le calendrier en usage dans le comté de Norn. 
Jamais eau ne tombait en ce désert ; jamais printemps n'amenait de fleurs ; jamais soleil ne se voilait de nuages, et rares étaient les éthers qui passaient et prétendaient s'attarder... Aux yeux des voyageurs, l'île de Maelduin était un monde étrange, morne et reculé, hors du temps, hors de l'espace, où même les sables semblaient s'ennuyer, et où aucune bête ne s'était installée à l'exception de quelques varans et de plusieurs races de serpents. 
Seuls les oiseaux s'attardaient pour nicher sur les hautes falaises de Maelduin, loin des regards indiscrets, loin des flèches meurtrières des chasseurs, là où seul le soleil se permettait d'observer la terre, là où seul le vent faisait la loi. Et la mer, au sud celle de Kien, au nord celle d'Alassar, venait lécher inlassablement la pierre orange, polissant toujours plus les minéraux de sa vague éternelle. 
La terre ne se reliait au continent qu'épisodiquement, grâce aux marées qui, lorsqu'elles se retiraient, rendaient libre un passage rocheux appelé par les indigènes Gué de Laogoon, particularité qui donnait à cette région le nom pompeux de Semi-Terre.  
L'île avait sur la carte une forme longitudinale entourée de récifs et de courants rapides, conditions géographiques dangereuses qui interdisaient l'accès autrement que par le port de Safeh. C’était un monde acide, sauvage, où le voyageur ne trouvait que ce qu'il amenait, où les plantes avaient des épines, les cailloux des arêtes coupantes et où l'eau était toujours salée. Pourtant, il était peuplé. 
Les premiers Hommes parvenus en cette contrée, menés sans concessions par la nature avide de gigantisme qu'était Béowulf d'Énée, fondateur du culte de Yanis, ne s'étaient pas trompés. Pour satisfaire à une croyance alliant la barbarie au sang, ils avaient longuement erré à la recherche d'un lieu désertique propre à l'édification d'un temple. Ils avaient exigé la difficulté et l'inhospitalité. Et Maelduin leur avait offert la rigueur de son climat, la chaleur torride de ses jours, le froid glacial de ses nuits, ses millions d'épines et ses eaux salées. Les moines de cette nouvelle croyance avaient édifié un sanctuaire, travaillant et mourant souvent au nom d'un idéal dont ils ne percevaient plus les nuances depuis longtemps. Du haut de son trône, Béowulf d'Énée surveillait les travaux. Son visage était un masque maigre, en angles vifs, où les orbites faisaient des trous noirs, où la peau avait la couleur du parchemin vieilli, où les lèvres n'étaient qu'une fente laissant échapper de mystérieux oracles que personne ne songeait à contester. Les temps étaient à la superstition et plus d'une prophétie clamée par Béowulf se révéla exacte, car le moine guerrier était doué de prescience. Les méandres tortueux de son cerveau fou avaient imaginé un être suprême et immortel. Mêlant souvenirs et visions, il avait modelé Yanis, Déesse de la Mort, entité absolue dont la puissance ne pouvait être égalée et dont les servants étaient les ombres des trépassés. Créer un tel culte ne pouvait qu'assurer la puissance. Béowulf d'Énée était un homme avide de puissance.
A suivre.
Par Valérie Simon.
Extrait de Yanis déesse de la mort, tome 1 du cycle de fantasy Arkem la Pierre des ténèbres, Éditions du Riez, 2013.
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