Dans le Temple de Yanis, sur la
Semi-Terre de Maelduin, les saisons s'écoulaient, identiquement renouvelées, alternances monotones qu'il était difficile de différencier autrement que par
le calendrier en usage dans le comté de Norn.
Jamais eau ne tombait en ce désert ;
jamais printemps n'amenait de fleurs ; jamais soleil ne se voilait de
nuages, et rares étaient les éthers qui passaient et prétendaient s'attarder...
Aux yeux des voyageurs, l'île de
Maelduin était un monde étrange, morne et reculé, hors du temps, hors de
l'espace, où même les sables semblaient s'ennuyer, et où aucune bête ne s'était
installée à l'exception de quelques varans et de plusieurs races de serpents.
Seuls les oiseaux s'attardaient pour
nicher sur les hautes falaises de Maelduin, loin des regards indiscrets, loin
des flèches meurtrières des chasseurs, là où seul le soleil se permettait
d'observer la terre, là où seul le vent faisait la loi. Et la mer, au sud celle
de Kien, au nord celle d'Alassar, venait lécher inlassablement la pierre
orange, polissant toujours plus les minéraux de sa vague éternelle.
La terre ne se reliait au continent
qu'épisodiquement, grâce aux marées qui, lorsqu'elles se retiraient, rendaient
libre un passage rocheux appelé par les indigènes Gué de Laogoon, particularité
qui donnait à cette région le nom pompeux de Semi-Terre.
L'île avait sur la carte une forme
longitudinale entourée de récifs et de courants rapides, conditions
géographiques dangereuses qui interdisaient l'accès autrement que par le port
de Safeh. C’était un monde acide, sauvage, où le voyageur ne trouvait que ce
qu'il amenait, où les plantes avaient des épines, les cailloux des arêtes
coupantes et où l'eau était toujours salée. Pourtant, il était peuplé.
Les premiers Hommes parvenus en cette
contrée, menés sans concessions par la nature avide de gigantisme qu'était
Béowulf d'Énée, fondateur du culte de Yanis, ne s'étaient pas trompés. Pour
satisfaire à une croyance alliant la barbarie au sang, ils avaient longuement
erré à la recherche d'un lieu désertique propre à l'édification d'un temple.
Ils avaient exigé la difficulté et l'inhospitalité. Et Maelduin leur avait
offert la rigueur de son climat, la chaleur torride de ses jours, le froid
glacial de ses nuits, ses millions d'épines et ses eaux salées. Les moines de cette nouvelle croyance
avaient édifié un sanctuaire, travaillant et mourant souvent au nom d'un idéal
dont ils ne percevaient plus les nuances depuis longtemps. Du haut de son
trône, Béowulf d'Énée surveillait les travaux. Son visage était un masque
maigre, en angles vifs, où les orbites faisaient des trous noirs, où la peau
avait la couleur du parchemin vieilli, où les lèvres n'étaient qu'une fente
laissant échapper de mystérieux oracles que personne ne songeait à contester.
Les temps étaient à la superstition et plus d'une prophétie clamée par Béowulf
se révéla exacte, car le moine guerrier était doué de prescience. Les méandres tortueux de son cerveau fou
avaient imaginé un être suprême et immortel. Mêlant souvenirs et visions, il
avait modelé Yanis, Déesse de la
Mort, entité absolue dont la puissance ne pouvait être égalée
et dont les servants étaient les ombres des trépassés. Créer un tel culte ne
pouvait qu'assurer la puissance. Béowulf d'Énée était un homme avide de
puissance.
A suivre.Par Valérie Simon.
Extrait
de Yanis déesse de la mort, tome
1 du cycle de fantasy Arkem la Pierre des ténèbres, Éditions du Riez, 2013.
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