Promenades macabres au fil du Rhône
Ces macabres promenades peuvent illustrer le
caractère discutable d’une frontière aussi peu « naturelle » que le
Rhône.
Vers 1960, à Lyon, les Algériens du FLN et du
MNA réglaient volontiers leurs comptes de façon sanglante et les victimes
étaient jetées à la Saône ou au Rhône. Ces macchabées vicieux allaient dans un
cas comme dans l’autre atterrir sur un
banc de sable du fleuve, rive gauche face à Saint-Pierre-de-Bœuf.
La loi veut que la commune prenne en charge le
cercueil et les obsèques de tout cadavre égaré sur son domaine mais le
« hic » étaient que ce banc de sable appartenait à Saint-Pierre-de-Bœuf
(Loire) avec unique accès par la rive
gauche iséroise. Facteur aggravant, pour franchir le fleuve, il fallait
emprunter le pont amont arrivant dans le département du Rhône ou celui aval
reliant Isère et Ardèche.
Tout cela n’eut pas été grave si une coutume
aussi vieille que la délimitation des communes, plus exactement des paroisses
alors, voulait que l’on acquitte une taxe à chaque sortie de paroisse ! Le
franchissement des limites diocésaines justifiait une taxe plus rondelette
encore. Le conseil municipal de Saint-Pierre s’est donc réuni à huis
clos : il a décidé d’édifier une cabane sur le fameux banc de sable et d’y
loger un clochard avec en contrepartie le devoir de pousser dans le courant du
fleuve à l’aide d’une gaffe tout arrivant importun !
Dès mon plus jeune âge, on m’a inculqué la
notion de « frontières naturelles », du « pré carré » cher
à Vauban … dans l’hexagone. C’était beau mais c’était
faux comme du Chateaubriand. Dix-huit mois au bord du fleuve Congo, voie de
relation ancestrale pour les Bantous des deux rives transformée par les
Occidentaux en frontière aussi peu naturelle que le vingtième parallèle ou que
le Rhin séparant des cousins très germains, voire la crête des Pyrénées taillant
à travers les terres catalanes ou basques, m’ont fait réviser ces notions. Plus
amène que Léo Ferré, je n’irai cependant pas jusqu’à chanter « Merde à Vauban » !
Par Pierre Coeur.
Extrait de Mémento de l’Histoire du
Dauphiné, éditions des Traboules, 2012.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire