Et si nous nous promenions sur les traces de Berlioz ?
Hector Berlioz est un enfant de la Côte
Saint-André une paisible bourgade du Dauphiné, une contrée de l'Isère
définie sous le vocable de terres froides (certes en rapport avec le gel
constant en hiver mais signifiant surtout terres peu productives (on y
cultiva longtemps le tabac), de ces terres dont les figuiers
s'assèchent comme frappés par la parole christique).
Berlioz par M. Clavaud d'après Signol, 1830. |
Berlioz par M. Clavaud d'après Courbet. |
Berlioz a souvent
été attaqué par la caricature : son physique « d’aigle irrité, impatient
de l’espace et auquel on a refusé l’essor », selon le mot de Théophile
Gautier, ne devait pas toujours inspirer des variations pour thèmes lyriques.
Plus
souvent, ces cheveux en bataille, cette prestance fracassante, ne furent pas
transfigurés dans une vision romantique, mais bien plutôt défigurés par la
plume acerbe des caricaturistes. Qui n’a en tête le « concert à
mitraille » que dirige un Berlioz tonnant, fier et chevelu, et dans
lequel, à côté des instruments traditionnels, viennent se ranger des
canons ?
L’opinion
publique, frivole, mais impressionnable, s’attachait ainsi aux seuls aspects
gigantesques des partitions de Berlioz, ou, pour employer sa propre
terminologie, au caractère « babylonien », « pyramidal »,
de sa musique.
Mais il est
un autre genre de caricatures qui ne s’en prend pas uniquement au musicien. Je
veux parler de celles qui confondent en une même vision le musicien et
l’écrivain, pour souligner ce qui leur semble être une contradiction : on
ne saurait cultiver deux arts à la fois.
Prenez par exemple
ce dessin tapageur paru au lendemain de l’échec de « Benvenuto
Cellini » : le maestro inspiré qui fait résonner les mesures de son
GRRRAND opéra (plusieurs R dans la légende), tient de son autre main une plume
de feuilletoniste. Un si mordant journaliste, un chroniqueur aussi habile, ne
saurait être un musicien.
Prenez
encore ce dessin de Grandville : « deux mains pour un seul
homme ». On y voit deux mains droites, en éventail, celles de Berlioz.
L’une tient une baguette de chef d’orchestre, l’autre, une plume qui libelle un
« feuilleton musical ».
C’est que la
caricature est douée pour saisir un malentendu, pour le mettre en image, pour
tendre au public une vision schématique mais alléchante ; elle résume,
abolit les nuances intimes de l’être en grossissant, par contraste, ses défauts
saillants - ou même, moins que ses défauts, ses caractéristiques.
Pourquoi
tant parler de caricatures ? Parce que l’image de Berlioz est plus souvent
une caricature qu’un portrait. Ce fut une première raison pour moi de
m’intéresser à ce musicien réputé fracassant, champion des orages désirés, à
cet écrivain brillant, à ce redoutable journaliste. Ce héros des bandes
dessinées de l’époque valait sans doute la peine d’être scruté plus
profondément, et en particulier à travers cette insolente et superbe
contradiction du musicien écrivain. C’était ce dilemme – ou cette dualité – qui
me captivait.
Pourquoi ce
grand musicien en était-il arrivé à devenir esclave des feuilletons ?
Parce qu’il lui fallait vivre. « Fatalité ! Je deviens
critique ! » s’est- il exclamé. On conçoit fort bien que cet « aigle impatient de l’espace » ait
été irrité de se livrer à l’analyse d’œuvres à tout-venant, par exemple, Pigeon-vole.
Lui,
l’amoureux du beau, du sublime, voir régulièrement figurer la médiocrité dans
le carcan de son emploi du temps journalistique ! Il y avait là de quoi
lui « donner le choléra », pour reprendre son expression énergique…
mais amère.
Et pourtant,
dans tout propos, quel bonheur de style, quelle virtuosité, quel enchantement
du langage ! Malicieux, frondeur, sarcastique, mais avec quelle
prestance ! Et il n’y a pas que de malheureux opéras comiques au
répertoire de la Muse ; soyons juste : la Presse est une tribune de
choix, pour l’orateur qu’est Berlioz, lorsqu’il s’agit d’entonner un hymne à la
gloire de la belle musique.
« Fatalité »
que ce métier ? Ou don ?
Berlioz par M. Clavaud d'après Baugniet, 1851 |
Par Monique Clavaud. Avant-propos de sa thèse "Hector Berlioz, visages d'un masque. Littérature et musique dans la Symphonie fantastique et sa suite."
A suivre : Berlioz écrivain de
sa musique.
le premier portrait est de Signol mais, tout comme celui de Courbet, c'est mon pinceau qui l'a revisité. Merci pour cet accueil qui déclenche en moi la vision d'une jeune fille apparemment très calme devant son jury de thèse...
RépondreSupprimerLes précisions concernant les tableaux sont rajoutées.
SupprimerAmicalement.
votre site est décidément fantastique et là je sais de quoi je parle, amicalement à l'équipe merveilleuse
SupprimerBravo Monique ! Je suis toujours en train de savourer à petites doses ton mémoire pour ta thèse. Fantastique ! (eh oui, comme sa Symphonie fantastique !)...
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
Supprimerj'ai supprimé ce commentaire parce qu'il était désespéré
SupprimerMerci Monique !
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