"Puisqu'il faut un commencement à tout,
permettez-moi d'ouvrir ce nouveau blog par une invitation à la promenade
en le bourg de Brangues situé à 50kms de Lyon et à 5kms de Morestel, la
Cité des peintres où un musée A.Ravier vous présente paysages et fusains
du grand peintre fin XIXè, ami de Courbet, Corot...
Le Jour ni l'Heure, François-Auguste Ravier, 1814-1895.(Source : Renaud Camus, Flickr.fr) |
Brangues est un village singulier à plus d'un titre, deux au moins, puisqu'on y trouve un imposant château revisité par les architectes au gré des siècles, château qui fut la propriété de Paul Claudel (et qui reste à la famille pour l'instant) et dans le parc duquel repose le grand poète et auteur dramatique.
Paul Claudel (6/08/1868 - 23/02/1955) vécut à
Brangues les trente dernières années de sa vie, se rendant
quotidiennement à l'église du village pour les mâtines, recevant hommes
de lettres (Jules Romain, André Gide, Marcel Pagnol...), de théâtre
(Jean-Louis Barrault, Jean Dasté, Jean Vilar...), diplomates (il fut
ambassadeur et un petit texte ci après évoque une promenade du "vieux
poète avec un jeune confrère ambassadeur)..."
Le vieux poète et le jeune diplomate…
La brume accrochait sa ouate d’humidité aux branches des buis et pierres plantées et bigues semblaient refléter en leur matière compacte le gris pommelé du ciel tourmenté échappé d’un tableau de Ravier.
Singulier couple de promeneurs que ce vieillard massif et ce robuste et bel homme dans la quarantaine conquérante. On eut dit une représentation vivante d’une gravure de Greuze, quelque chose comme « la transmission de l’héritage » ou « la terre repartagée » voire même cette œuvre plus connue « le retour de l’enfant prodigue ».
Le plus âgé s’agrippant au bras du plus jeune et fouettant l’air de sa canne tenue en l’autre main, tout en parlant, parlant, parlant de sa voix rocailleuse. Une allégorie des âges interpellant Dieu !
« Tout ce qui ne rassemble pas avec Moi, dissipe ! »
La brume accrochait sa ouate d’humidité aux branches des buis et pierres plantées et bigues semblaient refléter en leur matière compacte le gris pommelé du ciel tourmenté échappé d’un tableau de Ravier.
Singulier couple de promeneurs que ce vieillard massif et ce robuste et bel homme dans la quarantaine conquérante. On eut dit une représentation vivante d’une gravure de Greuze, quelque chose comme « la transmission de l’héritage » ou « la terre repartagée » voire même cette œuvre plus connue « le retour de l’enfant prodigue ».
Le plus âgé s’agrippant au bras du plus jeune et fouettant l’air de sa canne tenue en l’autre main, tout en parlant, parlant, parlant de sa voix rocailleuse. Une allégorie des âges interpellant Dieu !
« Tout ce qui ne rassemble pas avec Moi, dissipe ! »
Là, le couple était en harmonie, en communion en
quelque sorte.
Parmilieu était par un simple hasard géographique, non seulement le lieu même de cette rencontre mais aussi le dénominateur commun des terres arpentées par les deux promeneurs.
On eut pu entendre par la bouche de l’aîné ces mots d’Amalric dans « le partage de midi » :
« A gauche Babylone et tout le bazar, les fleuves qui descendent de l’Arménie… A droite l'Équateur, l’Afrique (…) les gros boutres à la mousson du Nord, cinglant de Saba, cinglant des ports de Salomon, cinglant de Mascate et d’Inde, cinglant de la bouche des deux fleuves… »
Tandis que les lèvres de son accompagnateur sembleraient siffler « la symphonie du Nouveau Monde » où il rejoindrait prochainement son nouveau poste diplomatique.
Le mystique interpellait l’agnostique tout en marchant au pas tranquille du vieux poète sur la route du Senin, scrutant à tour de rôle la bouche béante du Puits Jacob, poussant machinalement du pied une noix précocement tombée et maintenant creuse ; se demandant si Saint-Augustin n’avait pas raison en comparant l’Histoire à une immense phrase mélodique à laquelle quelque chose d’intérieur à nous prête l’oreille et nous invite à y répondre.
La nature est à la fois interrogation et réponse.
Parmilieu était par un simple hasard géographique, non seulement le lieu même de cette rencontre mais aussi le dénominateur commun des terres arpentées par les deux promeneurs.
On eut pu entendre par la bouche de l’aîné ces mots d’Amalric dans « le partage de midi » :
« A gauche Babylone et tout le bazar, les fleuves qui descendent de l’Arménie… A droite l'Équateur, l’Afrique (…) les gros boutres à la mousson du Nord, cinglant de Saba, cinglant des ports de Salomon, cinglant de Mascate et d’Inde, cinglant de la bouche des deux fleuves… »
Tandis que les lèvres de son accompagnateur sembleraient siffler « la symphonie du Nouveau Monde » où il rejoindrait prochainement son nouveau poste diplomatique.
Le mystique interpellait l’agnostique tout en marchant au pas tranquille du vieux poète sur la route du Senin, scrutant à tour de rôle la bouche béante du Puits Jacob, poussant machinalement du pied une noix précocement tombée et maintenant creuse ; se demandant si Saint-Augustin n’avait pas raison en comparant l’Histoire à une immense phrase mélodique à laquelle quelque chose d’intérieur à nous prête l’oreille et nous invite à y répondre.
La nature est à la fois interrogation et réponse.
Le couple devisant, passant alors devant le lavoir,
puis bifurquant par le chemin de la carrière Derriaz… Le vieux poète
encourageant son disciple dans la prestigieuse mission des Affaires Étrangères.
La promenade des deux ambassadeurs. Une pause consulaire dans les premiers
givres d’octobre.
Paul Claudel devait évoquer alors son voisin dauphinois de Brotel, le vieux lion radical, le Président Herriot, ou encore ses visites en matines de l’église de Brangues, là où Stendhal transforma un sordide fait divers en un chef d’œuvre romanesque…
Dans cette promenade de Parmilieu, il dut bien reprendre force de ses souvenirs, ceux de son beau-père A. Sainte-Marie Perrin, co-architecte de la Basilique de Fourvière, ou encore le port de Séchouan en Chine d’où est exporté le meilleur poivre du monde, ou cette princesse japonaise qui le troublait en ne baissant jamais les yeux, ou plus encore cette première maîtresse, cette femme archétype de la féminité qui lui inspirera le personnage d’Ysé dans son œuvre théâtrale.
Le jeune diplomate Millet écoutant son vieux maître et faisant son miel de ces évocations d’une vie exceptionnelle.
Parmilieu, sage village aux couleurs éteintes d’un crépuscule hâtif posait alors sur les deux promeneurs ses limbes d’un hiver annoncé…
La quiétude était telle qu’on comprenait rien qu’à les voir, que les âges ne sont rien pour les âmes passionnées et qu’une campagne discrète est bien souvent l’écrin de la plus inattendue des rencontres humaines.
Paul Claudel devait évoquer alors son voisin dauphinois de Brotel, le vieux lion radical, le Président Herriot, ou encore ses visites en matines de l’église de Brangues, là où Stendhal transforma un sordide fait divers en un chef d’œuvre romanesque…
Dans cette promenade de Parmilieu, il dut bien reprendre force de ses souvenirs, ceux de son beau-père A. Sainte-Marie Perrin, co-architecte de la Basilique de Fourvière, ou encore le port de Séchouan en Chine d’où est exporté le meilleur poivre du monde, ou cette princesse japonaise qui le troublait en ne baissant jamais les yeux, ou plus encore cette première maîtresse, cette femme archétype de la féminité qui lui inspirera le personnage d’Ysé dans son œuvre théâtrale.
Le jeune diplomate Millet écoutant son vieux maître et faisant son miel de ces évocations d’une vie exceptionnelle.
Parmilieu, sage village aux couleurs éteintes d’un crépuscule hâtif posait alors sur les deux promeneurs ses limbes d’un hiver annoncé…
La quiétude était telle qu’on comprenait rien qu’à les voir, que les âges ne sont rien pour les âmes passionnées et qu’une campagne discrète est bien souvent l’écrin de la plus inattendue des rencontres humaines.
Paul Claudel, Château de Brangues |
Par Jacques Bruyas, promenades à suivre.
Cliquez sur l'image, elle vous emmène à Brangues... virtuellement ! |
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