Marguerite Yourcenar prétend que « Quand on aime la vie, on aime le passé parce
que c’est le présent tel qu’il a survécu
dans la mémoire humaine » et elle dit ailleurs « Le coup d’œil sur l’histoire, le recul sur
une période passée, ou comme aurait dit Racine vers un pays éloigné, vous donne
des perspectives sur votre époque, vous permet d’y penser davantage, de voir
les problèmes qui sont les mêmes et ceux qui diffèrent et d’en voir les
solutions ». Pour Michelet, « L’Histoire est la meilleure façon
d’apprendre le présent ». On imagine même aujourd’hui de transformer
Mars en planète vivable - en 100 à 1 000 ans - en copiant ce qui s’est
déroulé sur notre Terre il ya des milliards d’années quand la vie y est
apparue ! Jules Verne était bien pris pour un utopiste en son temps.
En brossant à grands traits l’histoire de Lyon dans Mémento de l’Histoire de Lyon paru aux
Traboules en 2005, j’avais pris délibérément le parti de la concision pour
ramasser 2 000 ans en quelque 200 pages. J’ai parfois été frustré car
certains sujets (Jacques Cœur, le Rhône) ou certains quartiers de la ville
(Fourvière, la pointe de la Presqu’île) auraient mérité un développement plus
long ou car certains thèmes transversaux (l’eau, la dérive du confluent, les
fortifications, les canuts) étaient noyés dans la chronologie. Le bicentenaire
des Hospices Civils de Lyon, en 2002, m’avait amené aussi à écrire l’histoire
des deux établissements où s’est déroulé l’essentiel de ma carrière et qui est
très liée à leur voisinage, voire à l’histoire du Grand Lyon.
Ces « promenades » à travers l’histoire de
Lyon m’ont délivré de cette frustration mais comme tout promeneur, j’ai pu
mettre mes pas une seconde fois sur le tracé d’une excursion antérieure. Le
lecteur voudra bien excuser ces redites rendues nécessaires pour l’unité du
sujet traité dans chaque « promenade ». Mais pour commencer, il m’est
apparu nécessaire de décrire le cadre changeant de ces divagations qui parfois
débordent sur la région lyonnaise comme a divagué le fleuve qui lui sert
d’épine dorsale.
Je me suis
cantonné à l’Histoire officielle, selon un dogme établi par les Romains, mais à
la Préhistoire, l’homme était déjà là puisque l’on a retrouvé des traces
de sa présence de quatre mille ans plus anciennes, donc il y a six mille ans, au pied de la Duchère.
Des restes d’habitat néolithique ont été retrouvés à Vancia en traçant la
Rocade Est. Les fouilles du périphérique nord ont apporté des preuves de la
culture croissante du millet commun ou de la fève peut-être dès le Campaniforme tandis que
l’épeautre (blé sauvage) est apparu seulement au Bronze final cultivé par des
hommes qui stockaient des glands de chêne grillés pour les sécher, éviter
qu’ils ne germent ou réduire la toxicité de leurs tanins car ils s’en
alimentaient probablement. A Saint-Priest, c’est un dépôt d’armes, de parures
et d’outils datés des XIè-Xè siècles qui a été mis à jour comme d’autres plus
jeunes à Vénissieux (VIè siècle avant J.C.) ou à Gorge-de-Loup (Vè siècle avant
notre ère). Des objets étrusques du VIIIè siècle avant J.C. découverts au
confluent ou une amphore à vin de même provenance datée de 530 avant J.C.
témoignent même d’un commerce ou au moins d’échanges avec les peuples
italiques. Des Romains installés à Vienne, avant que ne naisse Lugdunum,
avaient compris que le cours plus paisible de la Saône, l’Arar des Séquanes qui
disputaient le contrôle de sa navigation aux Eduens fondant le port de Chalon
dès le IIIè siècle avant J.C., offrirait un havre plus quiet à leurs bateaux
juste en amont du confluent de l’époque.
A l’âge du Bronze qui s’étend de 2300 à 800 avant Jésus-Christ, on parle
d’ailleurs de civilisation « du
Rhône » dont l’étude débute en 1875-76 avec Ernest Chantre. Les historiens romains notent toutefois que
les Cimbres, renforcés par des Teutons défont le consul Silanus tout près de
Lyon en -109, sont à nouveau
victorieux à Orange en -105, avant d’être définitivement vaincus par les
légions romaines de Marius en -102 près d’Aix-en-Provence.
Pour se promener
dans la Préhistoire, il faut en effet un équipement plus lourd : les
efforts conjoints de nombreuses disciplines - allant de l’archéologie
préventive à l’utilisation de radioéléments - permettront, je le souhaite, à
nos successeurs de s’y rendre aussi aisément que sur la Lune et de décrire plus
sérieusement que Cyrano de Bergerac dans l’Histoire
comique des Etats et Empires de la Lune les premiers pas de l’Homme
sur notre belle Myrelingues !
Par Pierre Coeur.
Avant-propos de Promenades dans l'Histoire de Lyon, Alter-éditions (éditions numériques).
Avant-propos de Promenades dans l'Histoire de Lyon, Alter-éditions (éditions numériques).
Une belle promenade dans l'antiquité de notre ville magnifique. Un documentaire passionnant !
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