Elle est comme
un globe posé sur un socle en gâteau-gaufrette.
Sa surface est pleine de minuscules cratères et incrustée, ici et là, de diamants scintillants. On
remarque, par endroits, des copeaux. Des copeaux blancs, frangés d’écume :
des petites montagnes, comme celles vues sur la lune à partir de la terre… On a
envie de l’explorer lentement, délicatement, pour n’en manquer aucun recoin.
Le socle
ressemble à une coupe posée sur un cône effilé. Il est couleur sable, un rien
brillant, ceint d’un rebord comme un mur de citadelle, avec chemin de ronde et
crénelures. On est tenté d’entrer…
On attend, on
établit son plan de bataille…
Allez ! Il
faut bien partir à l’attaque ! On commence par tirer un bout de langue,
juste pour savoir… C’est doux et froid à la fois. C’est bon ! On avance
comme pour une embuscade… On prend son courage à deux mains, on continue et on
remonte un peu plus haut. On fait le tour de ronde en léchant
consciencieusement… On s’enhardit, on devient plus brave, on ose plus loin. Le globe vacille un peu. On le
remet en place d’un coup de langue bien ajusté. On sent la bataille se décider
en sa faveur. On croque doucement le chemin de ronde, puis vaillamment. C’est
curieux, cette matière qui fond sur la langue et glisse dans la gorge pour
rejoindre une grotte secrète intérieure. On ferme les yeux pour savourer le
plaisir, mais il ne faut pas se laisser aller. On les ouvre à nouveau. Il est
toujours là, déjà un peu vacillant et moins gaillard… On pourrait peut-être
l’abattre ?
On recommence,
cette fois-ci, avec ses petites dents, comme si on attaquait le mont Blanc…
C’est une neige douce et sucrée que l’on a alors en bouche et c’est tout juste
si l’on ne se retient pas de rejeter ce que l’on vient d’arracher à cette montagne.
Cela a fait mal, on en a eu des frissons, on a même poussé un petit cri… Mais
on ne peut plus s’arrêter, on est en plein combat : qui mangera ou coulera
le plus vite ? Il faut y aller, se battre, lécher rapidement, aller au
fond, remonter, et même écoper comme un
brave matelot.
Tout n’est pas
fini… Il reste encore un bout de cette coque en perdition. Déjà, on sent
qu’elle a pris l’eau et qu’elle faiblit… Il ne faut surtout pas la laisser
couler par le fond, cela serait trop bête ! Malgré les fuites multiples, on continue, on déguste toujours. C’est
une course contre la montre. On ne sait plus par quel bout s’y prendre, mais il
faut gagner à tous les coups, on est si près du but !
Il reste juste
un pic de montagne à l’envers, mou, plein d’une crème qui ressemble à une mer
dévastée. Alors, d’un grand coup, on enfourne le tout, on avale, on attend que
rien ne colle plus au palais ni aux dents, et on savoure cette épopée
extraordinaire…
Elle, c’est la
glace à l’abricot que mon oncle Jean m’achète régulièrement chez le pâtissier
quand il séjourne en vacances, chez ma grand-mère.
Par Elisabeth Lafont.
Bien tournée cette petite sensation réfrigérante !
RépondreSupprimerdélectable, on a envie de dire "on en mangerait" et vous pouvez prendre ça comme un compliment parce que je déteste la glace !
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