L'homme qui ouvrit les yeux
C’était un dimanche ; main dans la main Delphine et
Sébastien marchaient au bord d’un étang de la Dombes. Ils croisaient de
nombreux promeneurs qu’ils saluaient joyeusement, ce qui leur donnait le
sentiment de légitimité d’un couple installé.
- « Tu m’as l’air d’être tracassée », dit Sébastien.
- « Un peu, c’est vrai », répondit-elle. « C’est ce
témoignage… J’ai accepté de témoigner contre Sam le violeur pour que ce
salaud ne puisse plus jamais toucher une femme, je n’avais pas le choix… Il
faut qu’il soit condamné pour tentative de viol et reconnu récidiviste. Mais
j’espère que la police et le juge respecteront leur promesse de ne pas en
parler à mon père.
- Dans
ce cas, ne crois-tu pas qu’il vaudrait mieux le lui dire toi-même,
justement ?
- Nous
avons déjà eu cette discussion, je te le rappelle Sébastien ! »
Elle avait parlé sèchement, et repris sa main en même temps.
Elle continua en adoucissant son ton :
- « Excuse-moi, c’est déjà tellement difficile pour moi… Oui, la meilleure solution
serait de lui parler, mais pas maintenant, je ne le sens pas. Il est
complètement à l’ouest mon père, en ce moment ! Je ne sais pas du tout
comment il réagirait. Alors je le lui dirai, un jour… Peut-être.
- Et
ta mère ?
- Je
lui ai tout raconté. J’avais besoin de parler à une femme et en plus ma mère me
comprend, généralement. Le problème, c’est qu’elle est un peu faible face à mon
père. Face aux autres aussi, d’ailleurs…
- Tu
penses qu’elle ne va rien lui dire ?
- Vu
l’état de leur couple et leur peu de communication, je pense en effet… Mais va
savoir, à l’avenir ! Ce qui est certain, c’est qu’elle ne résisterait pas
plus d’une minute à un interrogatoire : dès qu’elle est gênée, son visage
vire au rouge écarlate !
- Humm…
- Quoi ?
- Rien… Rien du tout ! »
Sébastien entraîna son amie sur un petit chemin qui
s’éloignait vers la gauche. La terre était craquelée, et les restes d’herbe
sauvage, jaunes, hauts et clairsemés, sentaient bon la paille brûlée :
c’était un été torride. Peut-être pas du même niveau que celui de 2003, mais
presque.
Ils trouvèrent un peu de fraîcheur en traversant un petit
bosquet qui cachait la suite de l’horizon. Sébastien voulut s’asseoir sur une
énorme souche, mais Delphine lui proposa de continuer à cheminer encore un
peu : elle voulait voir où ils allaient déboucher.
Ils ne furent pas déçus : le chemin continuait au-delà
du bosquet, se rétrécissant pour ne plus faire qu’un mètre de large. De part et
d’autre il n’y avait que de l’eau et telle une passerelle naturelle, le chemin
traversait l’immense étang le séparant en deux parties, à moins qu’il ne fût
entouré de deux étangs distincts, ce qui revient au même dans cette région
recouverte d’eau.
Ils continuèrent gaiement sur ce chemin, comme en dehors du
temps. Les croassements des crapauds et des grenouilles les accompagnaient. A
travers les hauts roseaux, ils apercevaient de temps à autre le piqué d’un
héron entre les nénuphars, pour une pêche la plupart du temps fructueuse.
A suivre.
Par Fabien Rhodain.
Une belle balade dans cette dombe que l'on aime !
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