Le pont de la Guillotière était
encore debout, solidement planté dans les remous turbulents du fleuve alors
sauvage. Blessé à la fin de la guerre, le vieux pont avait été le premier à
être rouvert à la circulation.
Le quai planté d'une double rangée de
platanes descendait en pente douce vers la place que l'on appelait encore
"de l'Hôpital". Le bas port pavé de "têtes de chat" aurait
pu paraître vaste si des monceaux de gravats n'en avaient remonté le niveau
jusqu'au parapet en pierre massive qui séparait la partie civilisée de la
brousse des berges. Des bancs de gravier couverts de buissons échevelés avaient
pris possession du lit du Rhône sur presque la moitié de sa largeur. C'était le
paradis des pêcheurs, le temps où l'on attrapait des fritures mémorables,
gougeons, ablettes, vairons, avant que la pollution et les carnassiers n'aient
fait le ménage. C'était aussi le terrain de jeu des enfants du quartier qui
revivaient les aventures de Tom Sawyer dans les dédales verdoyants. Le temps
aussi des baignades les années où juillet écrasait Lyon de sa canicule
poussiéreuse.
Au niveau de Perrache, le bas port
devenait plus convivial. Nettoyé, aplani et ensablé, il accueillait les jeux de
boules, qui les soirs d'été résonnait de l'écho des carreaux, du tintement des
pots de beaujolais et du parler haut et fort des gones se chamaillant pour
savoir qui tenait.
Aujourd'hui, le Rhône dort entre des
rives reconstruites, sans gravats, sans aventures. Il dort comme un chat castré
dans un salon bourgeois, lui que l'on avait connu matou de gouttière.
Par Alain Larchier.
Oui, c'est vrai, j'ai connu ce fleuve là et les îles du Rhône où l'on pouvait s'y promener et jouer...
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