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mercredi 6 mars 2013

Les bas ports du Rhône

Le pont de la Guillotière était encore debout, solidement planté dans les remous turbulents du fleuve alors sauvage. Blessé à la fin de la guerre, le vieux pont avait été le premier à être rouvert à la circulation.

Le quai planté d'une double rangée de platanes descendait en pente douce vers la place que l'on appelait encore "de l'Hôpital". Le bas port pavé de "têtes de chat" aurait pu paraître vaste si des monceaux de gravats n'en avaient remonté le niveau jusqu'au parapet en pierre massive qui séparait la partie civilisée de la brousse des berges. Des bancs de gravier couverts de buissons échevelés avaient pris possession du lit du Rhône sur presque la moitié de sa largeur. C'était le paradis des pêcheurs, le temps où l'on attrapait des fritures mémorables, gougeons, ablettes, vairons, avant que la pollution et les carnassiers n'aient fait le ménage. C'était aussi le terrain de jeu des enfants du quartier qui revivaient les aventures de Tom Sawyer dans les dédales verdoyants. Le temps aussi des baignades les années où juillet écrasait Lyon de sa canicule poussiéreuse.

Au niveau de Perrache, le bas port devenait plus convivial. Nettoyé, aplani et ensablé, il accueillait les jeux de boules, qui les soirs d'été résonnait de l'écho des carreaux, du tintement des pots de beaujolais et du parler haut et fort des gones se chamaillant pour savoir qui tenait. 

Aujourd'hui, le Rhône dort entre des rives reconstruites, sans gravats, sans aventures. Il dort comme un chat castré dans un salon bourgeois, lui que l'on avait connu matou de gouttière.

Par Alain Larchier.

1 commentaire:

  1. Oui, c'est vrai, j'ai connu ce fleuve là et les îles du Rhône où l'on pouvait s'y promener et jouer...

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