Poursuivons la promenade autour des fleuves anciens...
Les bacs à traille
(Bac à traille : « Bac glissant le long
d’un câble et porté d’un bord à l’autre d’une rivière par l’impulsion seule du
courant qui frappe obliquement ses parois ». (Larousse) Le gouvernail ou une perche aidaient à
changer de sens ! cf le « polygone des forces » de nos cours de
Physique) se
développèrent sur le Rhône très favorable de par la puissance de son courant
contre le flanc amont du bateau. En 1935, on en comptait huit de Miribel à
Condrieu :
- Crépieux – îles de La Pape
- Vaulx-enVelin – îles de La
Pape
- Tête d’Or, de la Foire à
Saint-Clair
- La Vitriolerie
- Oullins
- Irigny – Feyzin
- Grigny – Ternay
- Ampuis
Contons en deux mots l’histoire du premier d’entre
eux. En 1487, Philippe de Savoie concède à Guillaume Pape de Lyon le droit
d’établir un bac et un petit
port (un petit havre) au lieu-dit « Moyffon »,
petit domaine dauphinois s’étendant sans doute sur les deux rives du Rhône. En
1790, le Seigneur de la Pape est autorisé à établir un bac à traille entre
Villeurbanne et Rillieux que Dubois-Crancé fait doubler d’un pont de bateaux
par les sapeurs pour les besoins du siège
de Lyon. Il revient à la commune de Rillieux en 1853. En 1854 et
plusieurs fois par la suite, la traille est renouvelée au même gabarit jusqu’à
ce qu’en 1947, une plus grosse (130 places) fut emportée par une nouvelle crue ; la dernière, plus
moderne, fonctionna vers « les îles » jusqu’en 1965 et elle a
transporté 2 500 personnes par jour, faisant l’aller-retour, pour leur travail.
Un portique rouillé perdure sur l’île de La Pape.
La force motrice du fleuve actionnait aussi les moulins flottants. L’un d’eux partant à
la dérive emporta le 29 juin 1854 le pont
de Saint-Clair, suspendu par la compagnie des ponts du Rhône en 1846 et
qui porta le nom de Louis-Philippe à l’origine, avant d’acquérir son nom en
1848, à côté de son surnom de pont égyptien à cause de ses colonnes,
et de mourir fracassé ce 29 juin 1854 contre le pont Morand. Ces moulins du quai Saint-Clair laissèrent
place à des minoteries à vapeur entre les deux guerres.
Au
XIXe siècle, le Rhône aval et
amont était navigable ;
savoyardes, sapines, rigues … et vapeurs après 1851, reliaient régulièrement
Lyon à Aix-les Bains, située dans le royaume de Piémont-Sardaigne avant 1860,
ou à Seyssel, transportant des voyageurs ou des produits lourds. Mais le fleuve
était capricieux du fait de
crues fréquentes, en 1856 en particulier, et difficile tout particulièrement dans les lônes de Miribel –
Crépieux. Entre 1847 et 1857, l’Etat, dans sa continuité entre royaume,
république et empire, concentra tout le débit sur un seul chenal stable et
profond - le canal de Miribel -
renforça les berges,
coupa les méandres les plus prononcés du Vieux Rhône, installa le chemin de
halage, côté Crépieux rive droite. Chevaux,
ânes et mulets (humains parfois aussi) tiraient les péniches sur les chemins de
halage de l’ancienne batellerie pour la « remonte », mais on les
ménageait à la descente en les logeant dans le bateau-écurie, la « boîte à
fumier ». Un bateau à vapeur maladroit de la compagnie L’Hirondelle renversa
la passerelle métallique privée lancée pour l’exposition universelle de 1872 et
justifiera la mise en place d’un bac à traille de 1874 à 1898 au bas de La
Boucle. Route et rail ruineront ce trafic amont avant la fin du siècle. Très
contestés étaient les bateaux à roues à aubes des « Gladiateurs » reliant Avignon
et Arles jusqu’en 1904 ou des « Parisiens
I et II » reliant Chalon-sur-Saône, entre 7 heures du matin et 18
heures, tous les trois jours jusqu’en 1923 ; en 1834, la descente vers Avignon
par le fleuve s’effectuait en bateau à vapeur à la vitesse de 7 lieues à
l’heure. La Compagnie Générale de Navigation, fusion de 9 entreprises
rhodaniennes en 1858, devint la Compagnie
Générale de Navigation HPLM en 1893 quand elle absorba la Compagnie le
Havre - Paris - Lyon, rajoutant le M de Marseille. La Compagnie de navigation
fluviale Paris - Lyon - Marseille CPLM avait déjà investi dans le chemin de
fer ! La Mulatière tire son
nom du dépôt de mulets servant aux mariniers près du confluent avec la Saône. Le
transit urbain est déplorable,
aggravé par le conservatisme lyonnais hostile aux « chaudières ». Les Mouches intra-urbaines, rachetées par
la Compagnie Lyonnaise des Tramways et Chemins de Fer (CLT) en 1901, reprises
par la Compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon (OTL) de 1901 à 1906, ont le
même nombre de clients que les omnibus en 1905. Les bateaux-mouches de la Saône disparaissent peu avant la guerre de
1914. L’une d’elles avait coulé en 1864, lors d’une manœuvre autour du pont du
Palais, noyant 32 passagers. Ces Mouches
tiraient leur nom de leurs ateliers de construction à La Mouche de Gerland et
ce nom perdure sur la Seine.
Près
de l’Hôtel-Dieu, le pont de la Boucherie, en réalité simple estacade
disparue vers 1830, servait à jeter au fleuve débris animaux et humains
tandis que la morgue était logée dans un bateau emporté une nuit
par une crue du Rhône qui la fracassa contre un pilier du pont de la
Guillotière, tuant le garçon de morgue qui dormait à bord !
Par Pierre Cœur.
Cf. La Vie
illustrée à Lyon de 1900 à 1937 de Pétrus Sambardier aux Editions Lyonnaises
d’Art et d’Histoire Lyon 2003.
En écho avec les promenades littéraires proposées par Alain Larchier (Les bas ports du Rhône), Aïcha Vesin-Chérif (Le quartier de la Saulaie à Oullins et son bac à traille) ...
En écho avec les promenades littéraires proposées par Alain Larchier (Les bas ports du Rhône), Aïcha Vesin-Chérif (Le quartier de la Saulaie à Oullins et son bac à traille) ...
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