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Il existait un type particulier de pétard, que nous appelions « craquette ». Inoffensif, il provoquait un effet particulièrement drôle, surtout quand on l’utilisait de façon inattendue et dans un endroit silencieux. Que ce soit volontairement ou par simple maladresse en jouant avec le feu, le porteur de la craquette l’avait fait partir en pleine église, fréquentée alors par quelques personnes âgées, pendant le catéchisme qui réunissait un assez grand nombre d’enfants. Sous les rires déclenchés aussitôt dans la plus jeune partie de l’assistance par les craquements aussi nombreux que mobiles et insolites, ainsi que par la fureur de l’abbé qui avait reconnu le coupable et commençait de le poursuivre, l’auteur de l’infraction tentait vainement, de rattraper, peut-être dans le but de l’éteindre, son pétard fuyant, et d’échapper à la poursuite du porteur de soutane. Il s’en était suivi une corrida à trois participants. Dans l’ordre le pétard, ensuite l’artificier et enfin l’ecclésiastique qui fermait la marche ou plutôt la course à travers les chaises et les bancs de l’église. La corrida, après avoir duré assez longtemps, se termina non par la mise à mort de l’artilleur en herbe, mais par son K. O. sous une rouée de coups qui avait tempéré l’hilarité de l’assistance.
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Dans la bourgade voisine, un vieux garçon dévot et un peu simple d’esprit, ce qui n’a rien d’incompatible, assistaient régulièrement à la messe tous les dimanches. Les garnements alentours, au fait de ses habitudes aussi bien que de son état, avaient discrètement glissé dans l’une de ses poches un réveil matin dont ils avaient réglé la minuterie afin que la sonnerie se déclenche pendant l’élévation au moment de l’offertoire. Ainsi, pendant cet instant silencieux et solennel, l’arrivée de Dieu était saluée par un tintement inaccoutumé aussi bien par son ampleur que par sa durée et son timbre. Personne n’a jamais su si Dieu s’était senti honoré ou simplement surpris par cette nouvelle manifestation sonore rendant grâce, bien involontairement, à sa présence, mais la surprise dans la fervente assistance et plus encore pour l’officiant avait été particulièrement forte, ce dernier ayant même failli échapper le corps de Jésus présent entre ses mains. J’avais pris la liberté de raconter cette histoire à mes proches qui l’avaient d’ailleurs, modérément appréciée.
Par Félix Garonnaire.
Extrait de L'enfant Loire, autobiographie.
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