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jeudi 12 septembre 2013

Dans la forêt de Saoû

Le chemin monte très lentement, nous laissant le temps d’admirer le ballet des papillons autour d’un roncier. Petits et nombreux, ils semblent à l’abri, dans ce lieu solitaire, loin des pesticides qui sont les pléonasmes de nos agricultures prétendument développées. Respirons la paix momentanée.
Entre les hautes herbes, j’aperçois un lis martagon rose pâle, discret, sans doute désireux de ne pas trop se faire voir, sait-on jamais. Secrète splendeur offerte aux yeux qui prennent le temps de la découvrir. Plus loin, sous les ailantes, un ensemble de géraniums sauvages a colonisé le bord du chemin, sans façon, éclairant de ses fleurs mauve-bleu les broussailles envahissantes.
Peu à peu le chemin devient sentier et pénètre dans un espace magique de taillis enchevêtrés, chênes, hêtres ou aulnes, et l’on aborde un autre monde.
Des fougères scolopendres s’accrochent amoureusement sur les roches noires veloutées de mousse presque invisible.
Silence, entrelacs végétaux nous escortent et le chemin devient pierreux, âpre comme une route initiatique entre les griffes moussues qui pourraient bien annoncer l’approche du royaume des sorcières ou des fées, allez savoir…
Entre voiles diaprés et fils de la Vierge, les rayons du soleil s’accrochent, et luttent avec cet étrange crépuscule de pénombre et de verdure qui voudrait nous garder dans ses lueurs ténébreuses. Le fil tendu de l’araignée brille entre les branches, les troncs veloutés, les ramures filiformes, et lance ses transparences au travers de mondes infranchissables.
Les troncs d’arbres recouverts de mousse tendre ressemblent à d’étranges pattes velues, armée d’obscurs êtres vivants, immobilisés, frappés par un indiscernable maléfice végétal.
La lumière, à travers les poussières, les pollens, les rosées et les brumes, est devenue irréelle, douce et filtrée, et nos pas sur les mousses ne font aucun bruit.
Forêt magique, d’esprits obscurs ou luxuriants, en pur silence végétal.
Un Enchanteur n’a-t-il pas effacé les bruits, endormi tous les oiseaux ?
Quels sortilèges affleurent sous les gouttes de rosée ?
Sentier d’énigmes douces, au velours d’émeraude
Plus loin, dans un chaos de pierres insistantes, le chemin s’élève encore sous les arbres, et un frisson d’inquiétude ou de doute peut saisir les âmes tendres.
Si l’on a grande envie de revoir les certitudes lumineuses, il faut faire demi tour, ou bien monter encore longtemps pour parvenir enfin sur les grandes prairies en pente qui sont la gloire du marcheur. Atteindre les vastes prairies sommitales des Trois Becs, les herbes vertes du Pré-de-l’Ane, ivres de lassitude, de béatitude, de vertige et d’asphodèles, quelle satisfaction ! Qui n’est donnée qu’aux opiniâtres et aux muscles entraînés.
Dans les secrets de la forêt tranquille, entre les chênes se faufile un chevreuil timide
aux yeux tendres, qui veut croire à la paix des arbres, avant l’automne menaçant. Là
haut, quelquefois, sur la route des nuages, plane un aigle sans bruit, dont le regard de flamme cherche une vie pour nourrir son brasier intime.
Dans l’herbe des pelouses, le printemps allume ses fleurs et toute la forêt chante son chant d’oiseaux victorieux. L’hiver s’est endormi sous les futaies et sur les prés, chaque insecte peut croire à son destin. Peut-être.
Forêt nourricière, la forêt de Sâou fut longtemps habitée par des paysans, des bergers et même des exploitants de mines.
Il est aisé d’imaginer que ce site fermé fut également un refuge, pour les proscrits, les protestants, les insurgés puis les maquisards, victimes séculaires de mille conflits inutiles.
Refuge maternel dans ce ventre allongé, velouté de forêt et protégé des dangers extérieurs. Rêve de refuge d’où il faut sortir un jour.
La paix des arbres pourrait-elle inspirer les hommes ?

Par Elyane Rejony.

2 commentaires:

  1. nous sommes présents dans cette forêt si bien décrite qu'elle en est palpable. Surprise de me retrouver devant un ordi après une pareille promenade.

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  2. Tout simplement magnifique comme la forêt elle-même, magique !

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