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mardi 9 avril 2013

Jour de fête à la Croix-Rousse

Hier, Place de la Croix-Rousse à Lyon. Un quartier populaire, dans sa plus belle définition. Vivant. Mélange harmonieux de jeunes couples avec enfants, de « Babayagas », ces délicieuses vieilles dames, de célibataires amoureux de la fête et de voyageurs aux multiples bagages, venus déposer au cœur de la Croix-Rousse leurs rêves d’ailleurs un instant apaisés. 
Venue très tôt en ce lieu, en dilettante, promener mon imaginaire laissé en jachère dans des steppes oubliées, j’haranguais intérieurement un maître de cérémonie oublieux des règles de son office. Il m’entendit. Je le jure ! Il m’entendit… 
Arrogant, ne voulant pas me donner l’impression d’avoir cédé à ma supplique, il arriva, par touches sauvages et intenses. Puis brusquement déchira le ciel, reprenant enfin sa place, en ce mois de juin, œuvrant depuis la nuit des temps à son unique  sacre. Un samedi entre deux parenthèses de pluie.  Et c’est ainsi que je la vis, sous ce soleil encore froid mais en devenir de puissance mordante. Pâle. Si pâle qu’elle en était presque spectrale. 
Elle avançait en absolue majesté, ou plutôt, dirai-je, elle dansait, traversant la place, sans un regard pour ceux qui la dévisageaient avec une absolue insolence. Vêtue d’un manteau en velours dévoré, d’un rouge si rouge qu’il semblait littéralement peint sur elle, chaussée de bottines noires, les mains recouvertes de gants rouges, elle semblait ignorer le bruyant étonnement qu’elle suscitait. Seul son visage, si ravagé par le temps qu’il participait de la violence de ce qu’elle générait parmi les passants, était à découvert. 
Surgi de nulle part, elle arpentait ainsi la place, murmurant pour un peuple de pigeons peu attentifs, ce qui semblait une forme de langage  inconnu de moi. Pourquoi me suis-je approchée d’elle ? Pourquoi a-elle alors accroché son regard au mien ? Ce qui se dit entre nous, dans cet espace volé à toute tentative d’explication rationnelle, je ne le compris pas immédiatement. Pas de mots. Pas de gestes. Son regard… Dieu ! Son regard… 
Je nous savais liées en cet instant précis, sur cette place, par ce matin de juin où la Croix-Rousse donnait une fête. Secouant  la tête, elle me tendit un bref instant sa main gantée, sans me laisser seulement l’effleurer, nos deux mains presque suspendues à l’inachevé de ce geste. 
Puis, avec une théâtrale lenteur, elle recula de deux pas, sans un sourire, livide et inexpressive, me faisant douter de la fulgurante proximité qui s’était créée entre nos deux univers. J’ai fermé les yeux instinctivement. Quelque chose en moi appelait cette inconnue, voulait lui trouver un sens, même ténu. Quelque chose en moi la repoussait.

Il n’y a pas d’épilogue à cette histoire. Juste que mon apparition d’hier habite désormais un espace que je ne sais nommer dans mon existence. Et que c’est ainsi que s’écrit notre histoire. Nous ne pouvons retenir le temps qui passe, ni ceux qui ne sont que l’instant arrêté. Mais l’aventure renouvelée est bonne et belle à vivre. Dans sa complexe quotidienneté.

Par Sylvianne Sarah Oling.

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