Balade en Dombes - 2

Suite de L'homme qui ouvrit les yeux.

Delphine fut la première à remarquer la petite cabane sur le rivage opposé, au milieu de l’étang de droite. « Regarde, c’est à croquer ! ». Sébastien acquiesça.

Arrivés au bord, ils se dirigèrent vers la maisonnette et en firent le tour. Sur le devant, deux vieux bancs entouraient une table de monastère au bois usé. Un joli figuier ombrageait l’ensemble, ce qui était sans doute son principal mérite car les fruits qui en pendaient étaient minuscules. Un petit bac en osier contenait de nombreuses bouteilles vides ; on pouvait deviner que bière, limonade et vin avaient activement participé à la convivialité du lieu. A travers les carreaux, se dessinait une pièce unique qui servait de rangement : un confiturier rempli de vaisselle de campagne, des torchons, quelques outils de jardinage, deux chapeaux de paille qui pendaient du plafond.

Tout ici respirait l’authenticité, la belle campagne, les retrouvailles amicales. Un certain rêve d’une vraie vie : celle qui réunit dans la joie hommes et femmes, petits et grands, riches et pauvres avec pour cadre la nature, la vraie, sans téléphone portable, sans voiture, sans Internet. Avec pour toile de fond une des qualités qui différencient l’homme de l’animal : l’acte volontaire de partage. Partage des joies simples et de la beauté qu’offrent la vie et la nature.

Delphine et Sébastien vivaient un moment de grâce, le genre d’instant que l’on voudrait voir prolonger pour l’éternité. Ils ressentaient une énorme gratitude à l’égard de la vie pour tant de beauté, de magie du moment ; pour s’être rencontrés, tout simplement.

Derrière la maison, un minuscule ponton avançait sur l’eau. Ses lattes étaient désolidarisées, et on pouvait voir ça et là des clous rouillés en ressortir. Une vieille barque était amarrée au bout.

Les amoureux s’assirent au pied de la maison, face à l’étang. A l’ombre, ils ressentaient un peu de la fraîcheur apportée par l’eau, et c’était très agréable.

Sébastien plongea son regard dans celui de Delphine. « C’est incroyable comme tes yeux sont beaux ; à être comparée à leur couleur et leur profondeur, la plus belle des émeraudes se dissoudrait en grains de sable !

- Monsieur est poète, dites-moi !

- Monsieur t’aime.

- Je t’aime aussi. »

Ils s’embrassèrent fougueusement, et Sébastien caressa le ventre de Delphine. Il fit remonter lentement sa main vers la poitrine mais au moment où il commençait à en sentir la forme rebondie, Delphine l’arrêta : « non ! Pas ici !

- Pourquoi ?

- Je n’ai pas envie de risquer que nous soyons vus.

- Le risque est bien faible, me semble-t-il. Je t’ai déjà embrassée et caressée en des lieux bien plus en vue !

- Oui, mais…

- Mais ?

- Mais j’ai envie d’autre chose, aujourd’hui.

Sébastien sentit une folle excitation le gagner.

- Tu veux dire…

- Tu as bien compris. Je veux le faire. »

Il n’y tint plus, son cœur battait la chamade et il avait l’impression que son sang cognait deux fois plus fort dans tous ses membres. Il en tremblait presque, mais sa raison était encore présente.

- « Tu es sûre ? Mais… tu n’as que seize ans !

- Oh ! Dix-sept dans deux semaines ! Et puis quoi… tu te prends pour mon père ? Ou alors tu as peur, avec cette menace de détournement de mineure dont t’a parlé le tien ?

- Non, je…

- Allez, je rigole ! J’apprécie tellement que tu me respectes, tu es si patient… Mais nous vivons un moment tellement exceptionnel, pas vrai ? Jamais je n’en ai eu aussi envie, jamais je n’ai eu de sentiments aussi forts, peut-être ne les ressentirai-je plus, jusqu’à la fin de mes jours ! Nous sommes en communion avec la Vie, j’aimerais t’offrir ici ma petite fleur, mon amour. Sois tranquille pour moi, c’est de mon corps qu’il s’agit. C’est de ma responsabilité.

Tout à coup, Sébastien se sentit maladroit face à cette fille qui était manifestement une vraie femme. Il bredouilla : « où ?

- Regarde l’épaisse forêt, derrière nous. On va sûrement trouver un coin parfait, romantique à souhait ! »

Il s’aperçut que lui trottait dans la tête la chanson de Francis Cabrel : « l’échelle et le cerisier ». Incroyable comme notre inconscient peut nous envoyer des textes adaptés aux situations que l’on vit !

A suivre.
Par Fabien Rhodain.