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mardi 26 mars 2013

Camille Claudel dans l'actualité ? - 1



Lettre de Camille Claudel à son frère Paul, imaginée par J. Bruyas à l'occasion de la sortie du film "Camille Claudel 1915" de Bruno Dumont avec Juliette Binoche.
 
Mon Paul, mon petit Paul,
Aïe, aïe, j’ai peur pour toi car figures-toi qu’une nouvelle fois on porte ma vie à l’écran… et pourtant ma vie n’eut rien de cinématographique, loin s’en faut… mais il en est ainsi des fantaisies des auteurs dramatiques comme des scénaristes, ils s’imaginent toujours que le malheur est propice à la profondeur d’un propos et qu’il n’est de vérité qu’au-delà du miroir.
Oui, mon cher Paul, après Isabelle Adjani c’est Juliette Binoche qui va m’incarner  et c’est plutôt flatteur que deux des plus belles comédiennes du cinéma français me prêtent ainsi leurs traits harmonieux.
Ce deuxième film est signé Bruno Dumont, un cinéaste qui t’aurait plu puisqu’il est dans l’esprit de quête spirituelle chère à  « son » maître Robert Bresson , un « claudélien «  dans l’âme, et le sujet même de ce long métrage est singulièrement  axé sur cette année fatale de la Grande Guerre, où déjà internée, on m’annonça ta prochaine visite… ta première visite.
Je ne te tiens pas grief de tes absences et trop rares (pour mon bien être affectif) visites car je sais que tu ne peux rentrer ainsi de l’Etranger, à ta guise, et que par ailleurs les modes de transport ne te permettent guère des allées et venues entre les différents points du globe où tu fus affecté durant tout mon internement.
Mais tant d’esprits chagrins formatés aux idées toutes faites, véhiculées par un ordre moral nouveau, veulent d’office te rendre coupable de mon internement et te faire l’injustice d’un abandon absolu de ta part à mon égard.
Je sais, moi, qu’il n’en est rien, et j’ai comme une preuve irréfutable de ton amour pour moi, cette soirée de Noël 1886 où, rentrant de Notre-Dame tu vins, tout exalté frapper à ma chambre et me promettant le silence absolu, tu m’annonças  la Grâce dont tu venais d’être frappé. Lorsqu’un frère confie à sa  sœurette , certes aînée, la plus intime de ses pensées c’est qu’il l’aime au-delà de tout  et qu’il ne l’abandonnera jamais.

Moi, je pourrais dire que tu ne m’as jamais abandonnée, mais qui diantre s’en soucierait puisque à travers cet internement forcé dont mère s’est personnellement chargée, c’est toi qu’on veut atteindre chaque fois que ma vie misérable est évoquée.
1915…Tu es déjà un auteur confirmé, un écrivain reconnu et ton théâtre a déjà atteint sa plénitude avec  « Tête d’Or » en 1890, « La jeune fille, Violaine » en 1892 et revue en 1899, « La ville » en 93, « L’échange » un an après suivi du « Repos du septième  jour » puis en 1906  cet exceptionnel « Partage de midi », enfin « L’annonce faite à Marie » et encore « Protée »….1915…une Œuvre et tu n’as seulement que 47 ans… !

Moi aussi j’aurais pu avoir une œuvre si ce damné Rodin m’avait laissée éclore… Tu vois lui , on le rend moins responsable de mon  état que toi… alors que ton amour ne m’a jamais fait défaut… mais lui… Il m’a volée, spoliée, vidée comme  ces coquillages que les gourmets vont déloger dans leurs carapaces de calcaire  avec une petite fourchette pointue et  avalent  goulûment… Rodin et ses sbires ont sucé mon esprit créateur et ont souillé mon être comme ces prédateurs affamés.

A suivre.

Par Jacques Bruyas, auteur de la pièce Nous ne reviendrons plus vers vous (éditions Cosmogone), inspirée des correspondances échangées entre Camille et Paul Claudel, dont vous pouvez découvrir un extrait en cliquant ici.







1 commentaire:

  1. pour avoir écrit à la place de Berlioz, je connais ce bonheur mêlé de peur, se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre.
    Bravo Jacques

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